mercredi 21 février 2024

Farewell Angelina

Farewell, Angelina, The bells of the crown
Are being stolen by bandits, I must follow the sound.
The triangle tingles, And the trumpets play slow.
Farewell, Angelina, The sky is on fire, And I must go.

There's no need for anger, There's no need for blame.
There's nothing to prove, Everything's still the same.
Just a table standing empty, By the edge of the sea
Farewell, Angelina, The sky is trembling, And I must leave.

The jack and the queen Have forsaked the courtyard.
Fifty-two gypsies Now file past the guards
In the space where the deuce And the ace once ran wild
Farewell, Angelina, The sky is falling, I'll see you in a while
.


See the cross-eyed pirates sitting Perched in the sun
Shooting tin cans With a sawed-off shotgun.
And the neighbors they clap And they cheer with each blast.
Farewell, Angelina, The sky's changing color, And I must leave fast

King Kong, little elves On the rooftops they dance
Valentino-type tangos While the makeup man's hands
Shut the eyes of the dead Not to embarrass anyone.
But Farewell, Angelina, The sky's embarrassed And I must be gone.

The machine guns are roaring, The puppets heave rocks
And fiends nail time bombs To the hands of the clocks.
Call me any name you like, I will never deny it,
But Farewell, Angelina, The sky is erupting, I must go where it's quiet.


Cette sublime chanson doit évidemment beaucoup à la voix chaude et pure de Joan Baez (dans l’album éponyme paru en 1965), une voix qui pénètre et vibre jusqu’au fond de l’âme. Bob Dylan l’écrivit au début des années 1960 et essaya de l’enregistrer pour son album « Bringing It All Back Home » en 1965, mais l’enregistrement ne fut publié qu’en 1991. C’est donc à Joan Baez qu’il « confia » cette chanson dont certains pensent même qu’elle fut une forme d’adieu quand leur liaison touchait à son terme.
Selon Bob Dylan lui-même, la mélodie s’inspirerait de la chanson de marin « Farewell to Tarwathie » écrite en 1850 par le poète-paysan écossais George Scroggie.
Cette chanson a fait l’objet d’innombrables commentaires et interprétations multiples prêtant à l’auteur des idées et des messages très divers sans doute très éloignés de sa propre pensée, si tant est qu’il ait eu, lors de son écriture, une intention précise et focalisée. Il s’amusait par anticipation de l'exégèse que pourraient en faire les critiques !
Pour ma part, j’ai le lointain souvenir d’avoir pensé, lorsque j’entendis pour la première fois la version française chantée par Nana Mouskouri, qu’il s’agissait d’une évocation de la guerre civile en Espagne. Il est vrai que l’atmosphère de cette chanson est lourde de menaces. Sont décrits les voleurs, les terroristes, les pillards, la populace, mais aussi les fusils, les mitrailleuses, les bombes à retardement… et les morts… et le ciel de plus en plus menaçant qui témoigne de l’approche inexorable de « la zone de combat ». Pour autant, rien ne prouve que ce soit là ce que Bob Dylan ait voulu mettre en scène. Une lecture métaphorique est possible, comme celle des menaces qui planent sur une relation amoureuse. Le propre de la poésie de Bob Dylan, comme de celle de Leonard Cohen, est de permettre à chaque lecteur de projeter ses propres sentiments, ses peurs et ses espoirs, ses faiblesses et ses rêves : une sorte d’auberge espagnole où chacun apporte ses ingrédients affectifs et spirituels personnels.
Restent la mélodie, aussi simple que belle, les alexandrins qui lui confèrent une forme de solennité, le ciel qui s’obscurcit, et l’angoisse qui se mêle à la résignation.
Le tableau surréaliste que dessine cette chanson est semé d’indices qui ne sont sans doute pas là par hasard, quand bien même les mots conduisent l’auteur plus qu’ils ne sont conduits par lui. Par exemple, le triangle tinte, bien sûr, mais Bob Dylan a écrit non pas « tinkles » mais « tingles », suggérant une démangeaison, une irritation, donc un tintement impatient, urgent. J’ai donc choisi de le traduire par « tintille » pour sa consonance avec « titille », sans bien savoir si ce choix était pertinent mais pour tenter de rester au plus près des mots de l’auteur. De même, l’évocation d’un jeu de cartes, à la manière de Lewis Carroll, cite l’as et le deux (ou l’égalité), mais les gitans ou manouches qui s’alignent derrière les gardes sont au nombre de cinquante-deux, comme les cartes dans le jeu, ce qui n’est sans doute pas non plus un hasard. Bien sûr, on pense aussitôt à une rafle, au racisme…
Mais que font là King-Kong et les elfes ? Et qui est Angelina ?
Comme la recherche scientifique, la poésie apporte en fin de compte autant de questions que de réponses !
Pierre Delanoë en a écrit une très belle version française ("Adieu Angelina), assez fidèle à l’original mais ne s’attardant pas sur certains de ses mystères comme le titillement du triangle (simplement omis), la reine et le valet (devenus les rois et les reines) qui « quittent la basse-cour », et les 52 gitans devenus 200 bohémiennes. L’as et le deux sont aussi absents, mais le « rien ne va plus » évoque bien un jeu de roulette. Je n’avais donc pas grand-chose à apporter, et j’avais soigneusement évité, jusqu’ici, d’entreprendre cette traduction, mais cette chanson a surgi dans ma tête un matin au réveil et y est restée la journée entière, m’incitant à l’examiner de plus près, puis à vouloir me l’approprier en la traduisant sans trop la trahir.

ALN


Adieu, Angelina

Adieu Angelina, je dois suivre le bruit
Des cloches de la couronne volées par des bandits
Tintillent les triangles et sonnent les cuivres
Adieu Angelina, le ciel est en feu et je dois les suivre

Pas besoin de colère, pas besoin de blâmer
Il n’y a rien à prouver, rien n’a vraiment changé
Au bord de la mer, rien qu’une table déserte
Adieu Angelina, le ciel frémit et il faut que je parte

La reine et le valet ont délaissé la cour
Cinquante-deux manouches que des gardes entourent
Dans l’espace que jadis as et deux parcouraient
Adieu Angelina, le ciel va s’écrouler, mais je te reverrai

Vois les pirates bigleux qui au soleil juchés
Canardent des boîtes avec un canon scié
Les voisins applaudissent et acclament chaque tir
Adieu Angelina, le ciel change de couleur, je dois vite partir


King-Kong et petits elfes dansent sur le toit
Des tangos argentins. L’embaumeur de ses doigts
Ferme les yeux du mort pour ne pas inquiéter
Mais adieu Angelina, le ciel est couvert, je ne peux pas rester


Les mitrailleuses rugissent, et les pantins lapident
Des fanatiques piègent les horloges au plastic
Appelle-moi comme tu voudras sans craindre mon déni
Mais adieu, Angelina, le ciel se déchire, je dois aller à l’abri

 

(Traduction-Adaptation : Polyphrène)


jeudi 15 février 2024

Sentimental Lady

You are here and warm
But I could look away and you'd be gone
'Cause we live in a time
When meaning falls in splinters from our lives
And that's why I've traveled far
'Cause I come so together where you are

And all of the things that I said that I wanted
Come rushing by in my head when I'm with you
14 joys and a will to be merry
All of the things that we say are very
Sentimental, gentle wind
Blowing through my life again
Sentimental lady
Gentle one
Sentimental, gentle wind
Blowing through my life again
Sentimental lady
Gentle one


Now you are here today
But easily, you might just go away
'Cause we live in a time
When paintings have no color, words don't rhyme
And that's why I've traveled far
'Cause I come so together where you are

And all of the things that I said that I wanted
Come rushing by in my head when I'm with you
14 joys and a will to be merry
And all of the things that we say are very
Sentimental, gentle wind
Blowing through my life again
Sentimental lady
Gentle one

Sentimental, gentle wind
Blowing through my life again
Sentimental lady
Gentle one

You are here and warm
But I could look away and you'd be gone
'Cause we live in a time
When meaning falls in splinters from our lives
And that's why I've traveled far
'Cause I come so together where you are

Yes, and all of the things that I said that I wanted
Come rushing by in my head when I'm with you
14 joys and a will to be merry
All of the things that we say are very
Sentimental, gentle wind
Blowing through my life again
Sentimental lady
Gentle one
Sentimental, gentle wind
Blowing through my life again
Sentimental lady
Gentle one



Cette chanson, dans sa première version destinée à l’album « Bare Trees » du groupe britannique Fleetwood Mac en 1972, comporte une strophe qui fut éliminée lorsque Bob Welch la réenregistra pour son premier album solo « French Kiss », en 1977, dans un format écourté pour se conformer aux standards de la diffusion radiophonique. Cette strophe est pourtant plus originale et poétique, et l’évocation des tableaux monochromes et des mots qui ne riment pas peut engager sur la voie de la méditation. Les arrangements eux-mêmes ont été, de l’avis des spécialistes, « stérilisés » pour en faire un pur produit commercial.
Néanmoins, alors que la première version était passé quasiment inaperçue, la version « commerciale » eut un considérable succès.
Elle fut reprise par de nombreux artistes (Alison Krauss, Kayne West, Mos Def…).
Bob Welch aurait destiné cette chanson d’amour à Nancy, qui fut sa première femme. Cependant, certains affirment qu’il aurait en fait acheté cette chanson au romancier Baron Birtcher (né en 1959), auteur, entre autres, du « polar » Ruby Tuesday (publié en 2001) qui se trouve être aussi le titre d’une célèbre chanson des Rolling Stones… Mais Baron Birtcher n’aurait eu alors qu’environ 13 ans, de sorte que cette rumeur semble peu crédible.
Quoi qu’il en soit, les paroles, en apparence banales, de cette chanson, méritent qu’on s’y attarde quelque peu car elles présentent l’amour en recours dans un monde en déroute (déjà dans les années 70 ! qu’en dirait-on de nos jours ?). La présence de l’être aimé est ce qui donne un sens à la vie dans un monde déboussolé, chante Bob Welch. Si, en effet, nous vivons dans une société sans autre repère ni but que l’argent et le pouvoir, notre chemin sur terre n’a plus « ni rime ni raison » (et il rajoute : « ni couleur »). C’est donc ce que l’on peut construire ensemble qui donne un but et qui forme le socle du bonheur et de la gaité, tout le reste n’étant que futilité.
Le message serait donc plus profond que ce que suggèreraient le titre et l’illustration de l’album…
ALN


Dame Sentimentale

Tu es là, chaleureuse
Mais tu disparais si j’ tourne les yeux
Car à notre époque
De nos vies le sens même s’écroule en loques
J’ai parcouru tant de distance
Pour me sentir près de toi en confiance

Et toutes ces choses que j’ai dit vouloir
Déferlent dans ma tête quand je suis avec toi
Quatorze joies et l’envie de gaité
Toutes ces choses que nous disons sont très
Sentimentales, douce brise
Souffle à nouveau sur ma vie
Dame sentimentale
Si gentille
Sentimentales, douce brise
Souffle à nouveau sur ma vie
Dame sentimentale
Si gentille

Tu es là aujourd’hui
Mais aussi bien dans l’instant tu t’enfuies
Car nous vivons à l’heure
Des mots sans rimes et tableaux sans couleurs
J’ai parcouru tant de distance
Pour me sentir près de toi en confiance

Et toutes ces choses que j’ai dit vouloir
Déferlent dans ma tête quand je suis avec toi
Quatorze joies et l’envie de gaité
Toutes ces choses que nous disons sont très
Sentimentales, douce brise
Souffle à nouveau sur ma vie
Dame sentimentale
Si gentille
Sentimentales, douce brise
Souffle à nouveau sur ma vie
Dame sentimentale
Si gentille

Tu es là, chaleureuse
Mais tu disparais si j’ tourne les yeux
Car à notre époque
De nos vies le sens même s’écroule en loques
J’ai parcouru tant de distance
Pour me sentir près de toi en confiance

Et toutes ces choses que j’ai dit vouloir
Déferlent dans ma tête quand je suis avec toi
Quatorze joies et l’envie de gaité
Toutes ces choses que nous disons sont très
Sentimentales, douce brise
À nouveau soufflant sur ma vie
Dame sentimentale
Si gentille
Sentimentales, douce brise
À nouveau soufflant sur ma vie
Dame sentimentale
Si gentille

(Traduction - Adaptation : Polyphrène, sur une suggestion et avec l'aide de Michaël Midoun)


dimanche 29 octobre 2023

Tie a Yellow Ribbon Round the Ole Oak Tree

I'm comin' home, I've done my time
Now I've got to know what is and isn't mine
If you received my letter telling you I'd soon be free
Then you'll know just what to do
If you still want me, if you still want me

Whoa, tie a yellow ribbon 'round the ole oak tree
It's been three long years, do you still want me?
If I don't see a ribbon round the ole oak tree
I'll stay on the bus, forget about us, put the blame on me
If I don't see a yellow ribbon 'round the ole oak tree


Bus driver, please look for me
'Cause I couldn't bear to see what I might see
I'm really still in prison and my love, she holds the key
A simple yellow ribbon's what I need to set me free
And I wrote and told her please

Whoa, tie a yellow ribbon 'round the ole oak tree
It's been three long years, do you still want me?
If I don't see a ribbon round the ole oak tree
I'll stay on the bus, forget about us, put the blame on me
If I don't see a yellow ribbon 'round the ole oak tree


Now the whole damned bus is cheerin'
And I can't believe I see
A hundred yellow ribbons round the ole oak tree
I'm comin' home

Tie a ribbon 'round the ole oak tree
Tie a ribbon 'round the ole oak tree
Tie a ribbon 'round the ole oak tree
Tie a ribbon 'round the ole oak tree


Cette chanson de Tony Orlando and Dawn a été écrite par Irwin Levine et L Russel Brown.
Le thème du ruban jaune noué autour d’un vieux chêne serait inspiré d’un article du Reader’s Digest (janvier 1972) dans lequel L Russell Brown lut le récit d’un épisode de la guerre civile : Un soldat libéré de la prison d’Andersonville après 3 ans de captivité demandait dans une lettre à sa bien-aimée de nouer un grand mouchoir jaune autour du grand chêne à l’entrée de la ville de sorte qu’il sache, avant d’aller plus loin, s’il était encore désiré ou si sa place avait été prise.
On pourrait penser, à l’écoute des paroles, que celui qui revient chez lui a purgé une peine de prison pour quelque crime ou méfait. Cependant, l’histoire originelle est celle d’un soldat sortant de captivité, et le symbole du ruban jaune a depuis été repris pour l’accueil des vétérans de la guerre du Vietnam.
Cette chanson obtient immédiatement un succès phénoménal, et, en 1980, de nombreux américains placèrent des rubans jaunes sur les arbres en souvenir de leurs concitoyens retenus en otages en Iran.
Cependant, l’usage de ce type de symbole semble beaucoup plus ancien, et on en trouverait l’illustration au XVIIème siècle, lors de la révolution des Puritains, à l’époque de Cromwell et du roi Charles 1er.
De nombreux artistes ont repris cette chanson (notamment Perry Como, Dean Martin, Dolly Parton, Frank Sinatra…). Johnny Cash et June Carter l’ont aussi enregistrée avec Tony Orlando.
Sacha Distel connut aussi un succès notable avec l’adaptation française rédigée par Jean Broussolle, assez fidèle à l’esprit de l’original bien que remplaçant le bus par un taxi et le vieux chêne par un balcon.
Le succès de cette chanson doit sans doute beaucoup à la mélodie originale et très vive et rythmée de Tony Orlando, mais sans doute aussi au romantisme du thème et à l’élégance de l’attitude du locuteur, manifestement toujours amoureux mais prêt à admettre que le temps emporte tout, comme le « brave marin » de la chanson traditionnelle (du moins dans la version retenue par Guy Béart, car certaines versions des années 1940 évoquent une fin dramatique) ou comme le soldat de retour après dix ans dans la chanson « Marjolaine » de Francis Lemarque. 

ALN



Noue un ruban jaune autour du vieux chêne mort

J’ai fait mon temps et je reviens
Je dois savoir ce qui est ou n’est pas mien
Si tu as lu dans ma lettre que je serai libre, alors
Tu sais ce que tu dois faire
Si tu m’aimes encore, si tu m’aimes encore

Oh ! Noue un ruban jaune autour du vieux chêne mort
Après ces trois ans, m’aimes-tu encore ?
Si je n’vois pas de ruban autour du vieux chêne mort
Je reste dans l’bus, j’oublie tout de nous, je prends tous les torts
Si je n’vois pas de ruban autour du vieux chêne mort

Chauffeur, regarde d’abord
Car j’ai bien trop peur de voir quel est mon sort
Seul mon amour a la clef de ma vraie prison, alors
Un simple ruban jaune suffirait à mon réconfort
J’ai écrit pour lui dire :

Oh ! Noue un ruban jaune autour du vieux chêne mort
Après ces trois ans, m’aimes-tu encore
Si je n’vois pas de ruban autour du vieux chêne mort
Je reste dans l’bus, j’oublie tout de nous, je prends tous les torts
Si je n’vois pas de ruban autour du vieux chêne mort

Mais les gens dans le bus applaudissent
Je vois mais je n’peux le croire :
Des centaines de rubans jaunes autour du vieux chêne mort
Je suis d’retour

Noue un ruban jaune autour du vieux chêne mort
Noue un ruban jaune autour du vieux chêne mort
Noue un ruban jaune autour du vieux chêne mort
Noue un ruban jaune autour du vieux chêne mort


(Traduction-Adaptation : Polyphrène, sur une suggestion et avec l'aide de Michaël Midoun)

mardi 13 juin 2023

Black Cow

In the corner
Of my eye
I saw you in Rudy's
You were very high
You were high
It was a cryin' disgrace
They saw your face

On the counter
By your keys
Was a book of numbers
And your remedies
One of these
Surely will screen out the sorrow
But where are you tomorrow

I can't cry anymore
While you run around
Break away
Just when it
Seems so clear
That it's over now
Drink your big black cow
And get out of here

Down to Greene Street
There you go
Lookin' so outrageous
And they tell you so
You should know
How all the pros play the game
You change your name

Like a gangster
On the run
You will stagger homeward
To your precious one
I'm the one
Who must make everything right
Talk it out till daylight

I don't care anymore
Why you run around
Break away
Just when it
Seems so clear
That it's over now
Drink your big black cow
And get out of here

I can't cry anymore
While you run around
Break away
Just when it
Seems so clear
That it's over now
Drink your big black cow
And get out of here

So outrageous
So outrageous
So outrageous

Le groupe de rock Steely Dan, formé par Donald Fagen et Walter Becker, a fourni quelques indications sur la signification de cette chanson, tout en laissant libre cours à l'imagination des auditeurs. Un homme, couvert de honte et exaspéré par le comportement de son amante (ou amant) prêt(e) à tout pour satisfaire son addiction, se décide à rompre. La scène se déroule dans un bar, et la "Vache Noire" (Black Cow) est une boisson, alcoolisée ou non, à base de soda (coca, par exemple) ou même de bière, et de crème glacée. Pour se procurer de quoi payer la drogue dont elle est dépendante, cette femme (ou cet homme) se prostitue dans une rue "chaude" de New York, sans même utiliser dans ce rôle un pseudonyme. Après avoir passé tant de nuit à essayer de la sortir de ce marasme, l'amant perd espoir et se résout à mettre fin à leur relation.
Cette scène de film noir prête cependant à de multiples interprétations et commentaires. Le choix des termes cache souvent un double sens : le sens commun, mais aussi celui que lui attribue l'argot ou, notamment, le vocabulaire des drogués (par exemple, "a number" correspond, a priori, à un numéro de téléphone dans un répertoire, mais peut aussi désigner un "joint"). Donald Fagen et Walter Becker se sont ainsi fait une réputation d'ambiguïté entretenue dans les paroles de leurs chansons, allant parfois jusqu'à la subversivité. Walter Becker lui-même a fait l'expérience de la drogue, et Donald Fagen a pu éprouver, face à l'addiction de son coéquipier, des sentiments comparables à ceux qu'évoque cette chanson.
On imagine aisément le désarroi de celui qui, confronté à l'addiction d'un proche, tente désespérément de l'en sortir pour le ou la voir "replonger" inéluctablement. L'addiction est une maladie et non un délit, et la répression n'est pas un traitement. La seule vraie solution est la prévention car, lorsque l'addiction s'est installée, elle fait vivre un véritable calvaire à ses victimes mais aussi à leur entourage, et l'amour lui-même ne peut en venir à bout.


Vache Noire

Du coin de l'œil
Je voyais
Chez Rudy, tu étais
Vraiment défoncée
Défoncée
Une tête à pleurer de honte
Devant tout l' monde

Un répertoire
Et tes clefs
Posés sur le comptoir
Avec tes cachets
Un sachet
Pourra apaiser ton chagrin
Mais où seras-tu demain

Je ne peux plus pleurer
Quand tu pars en chasse
Va, dégage
Maintenant
Que l'on voit
Que c'est sans espoir
Bois ta grosse vache noire
Et puis casse-toi

Tu déambules
Sur Greene Street
L'allure si scandaleuse
On te l'a bien dit
Tu devrais
Au moins comme les pros font
Changer ton nom

Comme un truand
En cavale
Tu rentres en titubant
Vers ton vieux chéri
Je suis celui
Qui devra passer la nuit
À résoudre tes ennuis

Je ne peux plus pleurer
Quand tu pars en chasse
Va, dégage
Maintenant
Que l'on voit
Que c'est sans espoir
Bois ta grosse vache noire
Et puis casse-toi

Je ne peux plus pleurer
Quand tu pars en chasse
Va, dégage
Maintenant
Que l'on voit
Que c'est sans espoir
Bois ta grosse vache noire
Et puis casse-toi

Si scandaleuse
Si scandaleuse
Si scandaleuse

(Traduction - Adaptation : Polyphrène, sur une suggestion et avec l'aide de Michaël Midoun)

mercredi 5 avril 2023

Wayfaring Stranger

I’m just a poor wayfaring stranger,
I’m trav’ling through this world below;
There is no sickness, toil, nor danger,
In that bright world to which I go.
I’m going there to see my father,
I’m going there no more to roam;
I’m just a going over Jordan,
I’m just a going over home.

I know dark clouds will gather o’er me,
I know my pathway’s rough and steep;
But golden fields lie out before me,
Where weary eyes no more shall weep.
I’m going there to see my mother,
She said she’d meet me when I come;
I’m just a going over Jordan,
I’m just a going over home.

I want to sing salvations story,
In concert with the blood-washed band;
I want to wear a crown of glory,
When I get home to that good land.
I’m going there to see my brothers,
They passed before me one by one;
I’m just a going over Jordan,
I’m just a going over home.

I’ll soon be free from every trial,
This form will rest beneath the sod;
I’ll drop the cross of self-denial,
And enter in my home with God.
I’m going there to see my Saviour,
Who shed for me His precious blood;
I’m just a going over Jordan,
I’m just a going over home.


(I am a poor) Wayfaring Stranger est une chanson traditionnelle américaine dont la mélodie serait dérivée d'un hymne allemand, et dont les paroles, mentionnées depuis le début du XIXème siècle, ont connu ensuite de nombreuses variations autour du thème central de la vie qui n'est qu'un passage, et de la mort qui permet de (re)venir "chez soi", c'est-à-dire auprès de son Dieu créateur. C'est en ce sens qu'il faut comprendre "Going Home" : la mort (évoquée par l'allégorie biblique classique du franchissement du fleuve Jourdain) amène l'homme à sa véritable destination (s'il l'a méritée) : la vie éternelle aux côtés de Dieu, mais aussi avec "tous ceux enfin dont la vie, un jour ou l'autre ravie, emporte une part de nous". Cet espoir permet de mieux supporter les souffrances et les épreuves qui jalonnent la vie "ici-bas" et d'accepter la mort comme une libération.
Combien sont morts dans cet espoir ? Combien de prétendus martyrs ont-ils été envoyés vers la mort, entraînant avec eux tant d'innocents, sur la promesse d'un paradis accueillant tous ceux que le sang versé par le Christ aura "lavé" de leurs péchés ("the blood-washed band") ? Les croisades, les guerres de religion, le djihad… ont produit d'innombrables "saints", une multitude de "martyrs" et causé d'immenses souffrances. La vertueuse résignation face aux tourments de la vie et à l'inéluctabilité de la mort n'a-t-elle pas été prônée par ceux-là même dont le cynisme, érigé en système social, maintenait ces croyants sincères dans la misère et l'exploitation ? On pense, bien sûr, aux esclaves noirs qui ont "adopté" la religion chrétienne de leurs "maîtres" et en ont fait le thème central de leurs chansons. "Wayfaring Stranger" a du reste été considéré comme l'hymne de la guerre de sécession après qu'un soldat unioniste mourant en a inscrit les paroles sur les murs de la prison confédérale de Libby, en Virginie. "Mourir pour des idées" chantait Georges Brassens… Cela est admirable lorsqu'une personne accepte de se sacrifier pour les autres, mais non lorsqu'un tyran, un gourou, ou un prophète auto-proclamé exploite le prétexte d'une supposée vie éternelle pour envoyer vers la mort ses disciples et tous ceux qu'il désigne comme des ennemis.
Néanmoins, on ne peut qu'être ému par la sincérité et la force de la foi qu'exprime cette chanson, sur une mélodie si belle qu'elle poursuivra certainement son chemin pour de nombreuses générations.
Parmi les illustres artistes qui ont chanté "Wayfaring Stranger", on retiendra surtout Paul Robeson, dans une version très dépouillée et solennelle, mais aussi Emmylou Harris, puis Johny Cash sur son album "Solitary Man", avec une voix vieillissante et d'autant plus poignante (la dernière strophe du texte reproduit ici ne figure généralement pas dans ces versions contemporaines).

Pour Fanfan


Humble Voyageur

Je n'suis qu'un pauvre humble voyageur
Ici-bas je n'fais que passer
Plus de souffrance, danger, ni labeur
Au soleil du monde où je vais
Je vais là-haut pour voir mon père
Je vais cesser d'errer en vain
Je vais bientôt franchir le Jourdain
Je vais rentrer chez moi enfin

De lourds nuages noirs sur moi s'étendent
Mon chemin est raide et ardu
Mais dans les champs dorés qui m'attendent
Mes yeux lourds ne pleureront plus
Je vais là-haut pour voir ma mère
Elle a promis de m'y attendre
Je vais bientôt franchir le Jourdain
Je vais rentrer chez moi enfin

J'entonnerai le chant de l'espoir
Avec tous ceux qu'a lavé le sang
Et je serai couronné de gloire
Dans cet Éden en arrivant
Je vais là-haut pour voir mes frères
Avant moi partis un par un
Je vais bientôt franchir le Jourdain
Je vais rentrer chez moi enfin

Bientôt finiront tous mes tourments
Mon corps reposera sous terre
Quand, posant la croix du reniement,
J'irai dans la maison du Père
Je vais là-haut pour voir mon Sauveur
Qui pour moi versa son sang divin
Je vais bientôt franchir le Jourdain
Je vais rentrer chez moi enfin

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)


samedi 11 février 2023

Fair Game

Take a look around you, tell me what you see
A girl who thinks she's ordinary lookin'; She has got the key.
If you can get close enough to look into her eyes
There's something special right behind the bitterness she hides.

And you're fair game,
You'll never know what she'll decide,
You're fair game,
Just relax, enjoy the ride.

Find a way to reach her, make yourself a fool,
But do it with a little class, disregard the rules.
'Cause this one knows the bottom line, couldn't get a date.
The ugly duckling striking back, and she'll decide her fate.

And you're fair game,
You'll never know what she'll decide,
You're fair game,
Just relax, enjoy the ride.

The ones you never notice are the ones you have to watch.
She's pleasant and she's friendly while she's looking at your crotch.
Try your hand at conversation, gossip is a lie,
And sure enough she'll take you home and make you wanna die.

And you're fair game,
You'll never know what she'll decide,
You're fair game,
Just relax, enjoy the ride.


Si ce n'est pas vraiment un mythe, le cinéma et les romans policiers lui ont tout au moins donné une dimension mythique : le thème de la "Femme Fatale" à laquelle aucun homme ne peut résister et qui implique ses conquêtes dans des desseins diaboliques.

Dans cette chanson, Crosby, Stills, and Nash mettent en scène une conversation entre garçons à propos d'une fille que la rumeur décrit comme une prédatrice, tout à la fois fascinante et redoutée. Le locuteur, dont on ne sait s'il a déjà joué le rôle de victime, suggère à son interlocuteur de tenter l'expérience et lui donne quelques conseils pratiques : "joue au benêt, fait mine de ne pas croire à la rumeur, lâche toi, tu es une proie facile pour elle…". Il va jusqu'à lui fournir une explication de son comportement : cette fille se croit dépourvue de charme et ne parvient pas à susciter l'amour. Si les hommes ne se retournent pas sur son passage, ceux sur lesquels elle jette le regard se trouvent cependant pris au piège. Est-ce par curiosité, ou par lubricité, ou parce qu'elle a une forme de charme moins commune mais d'autant plus efficace ? "Les filles que l'on ne remarque pas sont celles dont il faut se méfier", ajoute-t-il. Sous la banalité apparente de son physique, se cache un volcan, et ce n'est pas que la sensualité qui l'embrase, comme son regard appuyé pourrait le laisser penser. C'est aussi, ou surtout, un désir de vengeance - ou tout au moins la volonté de se prouver qu'elle peut attirer un homme et le mener "par le bout du nez" pour lui faire passer un sale quart d'heure au point de vouloir mourir.

Cette chanson a été publiée par Crosby, Stills, & Nash sur l'album "CSN", en 1977, donc bien avant le mouvement "Mee Too". Ces paroles seraient sans doute jugées profondément machistes aujourd'hui, et seraient la cible de nombreuses critiques, au point de négliger la musique, sans doute plus intéressante car très caractéristique de l'époque et du groupe, avec un rythme plutôt latino-américain et des harmonies imbriquées.

 

Proie Facile

Regarde autour de toi ; dis-moi c'que tu vois
Une fille convaincue qu'elle n'a aucun charme, mais elle fait la loi
Si tu peux t'approcher assez pour voir dans ses yeux
Sous l'amertume qu'elle cache, tu verras un truc curieux

Tu es sa proie
Tu n'sais jamais quel est son plan
Tu es sa proie
T'en fais pas, prends du bon temps

Débrouille-toi pour l'atteindre, rends-toi ridicule
Mais fais-le avec de la classe, sois sans scrupule
Car celle-là sait qu'au bout du compte, elle n'a pas d'amant
Le vilain canard se venge, et prend son destin en main


Tu es sa proie
Tu n'sais jamais quel est son plan
Tu es sa proie
T'en fais pas, prends du bon temps

Il faut faire attention à celles qu'on ne remarque pas
En lorgnant ton entrecuisse, elle est charmante et sympa
Fais-lui de la conversation, démens la rumeur
Elle t'invitera, te f'ra passer un fichu quart d'heure

Tu es sa proie
Tu n'sais jamais quel est son plan
Tu es sa proie
T'en fais pas, prends du bon temps
 

(Traduction - Adaptation : Polyphrène, sur une suggestion et avec l'aide de Michaël Midoun)

 

 

mardi 31 janvier 2023

Vincent

Starry, starry night
Paint your palette blue and gray
Look out on a summer’s day
With eyes that know the darkness in my soul

Shadows on the hills
Sketch the trees and the daffodils
Catch the breeze and the winter chills
In colors on the snowy, linen land
Now, I understand
What you tried to say to me
And how you suffered for your sanity
And how you tried to set them free
They would not listen, they did not know how
Perhaps they’ll listen now

Starry, starry night
Flaming flowers that brightly blaze
Swirling clouds in violet haze
Reflect in Vincent’s eyes of china blue
Colors changing hue
Morning fields of amber grain
Weathered faces lined in pain
Are soothed beneath the artist’s loving hand
Now, I understand
What you tried to say to me
How you suffered for your sanity
How you tried to set them free
They would not listen, they did not know how
Perhaps they’ll listen now

For they could not love you
But still your love was true
And when no hope was left inside
On that starry, starry night
You took your life as lovers often do
But I could have told you,
Vincent, this world was never meant for one as beautiful as you

Starry, starry night
Portraits hung in empty halls
Frameless heads on nameless walls
With eyes that watch the world and can’t forget
Like the strangers that you’ve met
The ragged men in ragged clothes
The silver thorn of bloody rose
Lie crushed and broken on the virgin snow
Now, I think I know
What you tried to say to me
How you suffered for your sanity
How you tried to set them free
They would not listen, they’re not listening still
Perhaps they never will

 

La cinq-centième traduction de Polyphrène est une première : si la musique et la poésie s'accordent et se subliment pour créer une chanson, une troisième dimension vient rehausser encore l'œuvre lorsque la chanson en question est consacrée à la peinture. Tel est le cas de "Vincent", une chanson de Don McLean dédiée à Vincent Van Gogh. Cette chanson connut un immense succès (au point que le manuscrit original s'est récemment vendu à 1,5 millions de dollars). Don McLean y évoque la vie et le suicide de Van Gogh, mais décrit aussi son œuvre en des termes que ne renient pas les plus grands admirateurs et spécialistes de cet artiste, à tel point que l'audition de cette chanson provoque l'irrésistible envie de redécouvrir ses tableaux. De très belles vidéos sont proposées pour illustrer la chanson, mais il faut noter aussi l'enregistrement de Chet Atkins accompagnant Don McLean.

Plusieurs tableaux célèbres de Van Gogh sont cités ou évoqués, dont "Starry Night", mais l'épine d'argent et la rose couleur de sang ne trouvent pas de correspondance directe dans l'œuvre de Van Gogh (bien qu'ayant inspiré d'autres artistes). Certains y voient une allusion aux modalités de son suicide, de même que l'emploi du pluriel ("they would not listen") pourrait concerner famille, proches, entourage… confrontés aux troubles mentaux dont il souffrait. Le débat reste ouvert, mais l'hommage du chanteur au peintre est justifié et convaincant.


PS: A écouter absolument, sur le même sujet, Philippe Forcioli qui sait mieux que personne mettre de la couleur dans la chanson :

https://memoirechante.wordpress.com/2012/02/24/philippe-forcioli-vincent-van-gogh/


Vincent

Ciel semé d'étoiles
Du gris, du bleu sur ta toile
Tu regardes un jour d'été
Tes yeux voient en mon âme l'obscurité

L'ombre des collines
Arbres et jonquilles s'illuminent
Bise et frimas que tu dessines
En couleur au sol enneigé de blanc
Alors, je comprends
C'que tu tentais de me dire
La folie qui te faisait souffrir
Tu voulais les affranchir
Ils n'écoutaient pas, ne savaient comment
Savent-ils maintenant ?

Ciel semé d'étoiles
Flammèches de fleurs qui brillent
Nuages violets en vrilles
Se reflètent dans ses yeux bleu de Chine
Les couleurs se déclinent
Ambre du grain dans les prés
De labeur visages ridés
Qu'apaisent les mains aimantes du peintre
Et je peux comprendre
C'que tu tentais de me dire
La folie qui te faisait souffrir
Tu voulais les affranchir
Ils n'écoutaient pas, ne savaient comment
Savent-ils maintenant ?

Ils ne pouvaient t'aimer
Malgré ton amour vrai
Et quand il n'y eut plus d'espoir
Dans cette nuit semée d'étoiles
Comme tant d'amants, tu choisis de mourir
Mais j'aurais pu te dire,
Vincent, dans ce monde, une belle âme comme toi n'avait pas d'avenir

Ciel semé d'étoiles
Portraits sur des murs banals
Sans cadre dans de mornes salles
Leurs yeux qui voient le monde et ne peuvent oublier
Comme ces gueux déguenillés
Inconnus jadis rencontrés
Épine d'argent, rose écrasée
Couleur sang sur la neige immaculée
Maintenant je sais
C'que tu tentais de me dire
La folie qui te faisait souffrir
Tu voulais les affranchir
Ils n'écoutaient pas, ne savaient comment
Savent-ils maintenant ?

(Traduction – Adaptation : Polyphrène, sur une suggestion de Jillian)





dimanche 8 janvier 2023

Memo from Turner

Didn't I see you down in San Antone on a hot and dusty night?
We were eating eggs in Sammy's when the black man there drew his knife
Didn't you drown that Jew in Rampton as (when) he washed his sleeveless shirt
You know, that Spanish-speaking gentleman, the one we all called "Kurt"


Come now, gentleman, I known there's some mistake
How forgetful I'm becoming now you fixed your business straight

I remember you in Hemlock Road in nineteen fifty-six
You're a faggy little leather boy with a smaller piece of stick
You're a lashing, smashing hunk of man, your sweat shines sweet and strong
Your organ working perfectly but there's a part that's not screwed on


Weren't you at the Coke convention back in nineteen sixty-five?
You're the misbred, gray executive I've seen heavily advertised
You're the great, gray man whose daughter licks policemen's buttons clean
You're the man who squats behind the man who works the soft machine

Come now, gentleman your love is all I crave
You'll still be in the circus when I'm laughing, laughing in my grave


When the old men do the fighting and the young men all look on
And the young girls eat their mothers’ meat from tubes of plasticon
So be wary of these my gentle friends of all the skins you breed
They have a tasty habit they bite the hands that bleed

So remember who you say you are and keep your noses clean
Boys will be boys and play with toys so be strong with your beast
Oh Rosie dear, don'tcha think it's queer so stop me if you please
The baby is dead, my lady said, "You gentlemen, why, you all work for me"

 

"Memo from Turner" est une chanson écrite par Mick Jagger and Keith Richards (leur contribution respective est discutée), et qui figure sur la bande sonore du film "Performance" (Donald Cammell et Nicolas Roeg, 1970) dans lequel Mick Jagger joue le rôle de Turner, un chanteur de Rock sur le déclin. Le film mêle, dans une atmosphère glauque et ambiguë, sexe, drogue, gangsterisme, et violence, et cette chanson, mi-parlée mi-chantée avec véhémence par Mick Jagger, est l'épitome à la fois du milieu trouble du gangstérisme londonien et de la dérive morale ("décadence" ?) de l'époque. Dans un langage extrêmement cru, le chanteur s'adresse tour-à-tour aux différents protagonistes pour évoquer leurs crimes et leur abjection. Les paroles sont un peu différentes dans la version extraite du film et celle qui figura sur l'album des Rolling Stones "Metamorphosis", mais l'ambiance est la même. Est aussi évoqué le roman poussant le glauque et la déchéance sur fond de drogues à son paroxysme : "La Machine Molle" (The Soft Machine, de William S. Burroughs, 1961). "The Soft Machine" et "Performance" ont, en leur temps, provoqué un mélange d'indignation et de fascination morbide, et la vidéo extraite du film montre, dans ce monde trouble, un Mick Jagger très convaincant.


Memo de Turner

N'est-ce pas toi que j'ai vu à San Antone, par un soir chaud et malsain
On broutait l'cresson chez Sammy quand ce noir sortit son surin
Ah, et tu as noyé ce Juif à Rampton, quand il lavait son gilet
Tu sais, ce monsieur parlant Espagnol, Kurt, comme on l'appelait

Bon, mon cher, c'était une erreur, j'ai compris
C'est drôle tout ce que j'oublie quand tu mets les points sur les i

Je me souviens de toi, rue Hemlock, c'était en cinquante-six
T'étais une petite tapette en cuir avec un petit zizi
Un beau gosse, frappant, cognant, luisant   de sueur sur sa peau lisse
Ton organe marchait à merveille, mais il te manquait quelques vis

C'était bien toi, en cinquante-cinq, au    Coca-Cola Congrès
Toi, ce bâtard, ce sinistre cadre tourné en vraie célébrité
Ce grand-homme grisâtre dont la fille lèche aux flics les boutons d'col
T'étais l' mec à g'noux au cul du gars maniant la machine molle

Allons, ton amour est tout c'que je convoite
Tu s'ras toujours dans l'arène quand je rirai, rirai dans ma boîte

Quand ce sont les vieux qui combattent tandis que les jeunes observent
Et les jeunes filles bouffent la chair d'leurs mères dans des boîtes de conserve
Allons, méfiez-vous d'elles, mes bons amis, des peaux qu'vous élevez
Les mains qui saignent, elles ne pensent toujours qu'à les bouffer

Rapp'lez vous qui vous prétendez être, tenez-vous à carreau
Qu'les mecs soient mecs avec leur jouet, sachez dresser votr'bête
Oh, chère Rosie, c'est bizarre, n'est-ce-pas, s'il te plait, arrête-moi
Le bébé est mort, ma dame a dit, "Vous, messieurs, vous travaillez tous pour moi"


Traduction - Adaptation : Polyphrène (sur une suggestion et avec l'aide de Michaël Midoun)


mercredi 19 octobre 2022

Somewhere down the crazy river

Yeah, I can see it now
The distant red neon shivered in the heat
I was feeling like a stranger in a strange land
You know, where people play games with the night
God, it was too hot to sleep

I followed the sound of a jukebox coming from up the levee
All of a sudden, I could hear somebody whistling from right behind me
I turned around, and she said
"Why do you always end up down at Nick's Cafe?"
I said, "Uh, I don't know, the wind just kinda pushed me this way"
She said, "Hang the rich"


Catch the blue train
Places never been before
Look for me
Somewhere down the crazy river
(Somewhere down the crazy river)
Ooh, catch the blue train
All the way to Kokomo
You can find me
Somewhere down the crazy river
(Somewhere down the crazy river)

Take a picture of this
The fields are empty, abandoned '59 Chevy
Laying in the back seat listening to Little Willie John
Yeah, that's when time stood still
You know, I think I'm gonna go down to Madam X
And let her read my mind
She said, "That voodoo stuff don't do nothing for me"

I'm a man with a clear destination
I'm a man with a broad imagination
You fog the mind, you stir the soul
I can't find no control

Catch the blue train
Places never been before
Look for me
Somewhere down the crazy river
(Somewhere down the crazy river)
Ooh, catch the blue train
All the way to Kokomo
You can find me
Somewhere down the crazy river
(Somewhere down the crazy river)


Wait, did you hear that?
Oh, this is sure stirring up some ghosts for me
She said, "There's one thing you gotta learn
Is not to be afraid of it"
I said, "No, I like it, I like it, it's good"
She said, "You like it now
But you'll learn to love it later"

I been spellbound
Falling in trances
I been spellbound
Falling in trances
You give me the shivers
Chills and fever
You give me the shivers
You give me the shivers
I been spellbound
I been spellbound
I been spellbound
(Somewhere down the crazy river)
Somewhere down the crazy river


Robie Robertson est un chanteur canadien, de mère Mohican et de père biologique juif. Il a consacré sa vie, dès le plus jeune âge, à la musique et à la chanson : longtemps guitariste au côté de Bob Dylan, puis auteur de musiques de film pour Martin Scorsese, mais aussi auteur – compositeur – interprète de nombreux titres primés, avec son groupe (The Band), puis en solo.
Cette chanson, qui fut, en 1987, l’un de ses plus grands succès, a pour décor l’Indiana, le long de l’affluent nord de la rivière Wildcat Creek, qui, comme de nombreux fleuves aux Etats-Unis, est sujette a de fréquentes et rapides variations de débit et de niveau. Ces caprices hydrologiques liés à la météorologie expliquent peut-être son surnom de « folle rivière », à moins que ce sobriquet n’implique aussi à la population locale, installée derrière la digue sensée éviter que les sautes d’humeur du cours d’eau n’entraînent des inondations. Quoi qu’il en soit, cette digue dominant le fleuve domine aussi le paysage et constitue la référence commune à tous lieux et toutes choses. C’est donc ce décor qu’évoque la chanson, réveillant de lointains souvenirs, comme celle de cette épave de Chevrolet Chevy de 1959 abandonnée dans un champ (une voiture parmi les plus caricaturalement américaine par ses dimensions invraisemblables et par le dessin extravagant de ses ailes), et puis le chanteur Little Willie John, connu notamment comme le premier interprète de la célébrissime chanson « Fever » (Eddie Cooley et Otis Blackwell). Tous les ingrédients sont présents pour mettre en scène une passion aussi trouble que violente, sorte d’envoutement qui domine l’âme du locuteur comme le fleuve et sa digue dominent la vie des riverains.


Quelque part sur la folle rivière

Ouais, je revois tout, là
Au loin, le néon rouge tremblait de chaleur
Je m’sentais étranger dans un étrange pays
Tu sais, où les gens mystifient la nuit
Mon dieu, trop chaud pour dormir

J’allais, attiré par le son d’un jukebox là-haut sur la levée
Et puis, tout à coup, juste derrière moi j’ai entendu quelqu’un siffler
Je me retournais, elle me dit
« Et pourquoi échoues-tu toujours au Nick’s Café » ?
J’ai dit : « Euh, je n’sais pas, c’est juste le vent qui me pousse là-bas »
Elle dit « Pends les riches »

Prends le train bleu
Où tu n’as jamais été
Cherche-moi
Quelque part sur la rivière folle
(Quelque part sur la rivière folle)
Oh, prends le train bleu
Descends jusqu’à Kokomo
Tu m’trouveras
Quelque part sur la folle rivière
(Quelque part sur la folle rivière)

Imagine-toi ça
Les champs sont déserts, l’épave d’une Chevy 59
Couché sur le siège arrière, écoutant Little Willie John
Ouais, le temps s’arrêtait
Tu sais, je pense que j’vais demander à Madame X
De lire dans mes pensées
Elle dit « Ce Vaudou-là n’a pas d’effet sur moi »

Je suis un homme de claire destination
Je suis un homme de grande imagination
Tu brouilles l’esprit, tu troubles l’âme
J’en perds le contrôle

Prends le train bleu
Où tu n’as jamais été
Cherche-moi
Quelque part sur la folle rivière
(Quelque part sur la folle rivière)
Oh, prends le train bleu
Descends jusqu’à Kokomo
Tu m’trouveras
Quelque part sur la folle rivière
(Quelque part sur la folle rivière)

T’as entendu ça ?
Oh, bien sûr, ça ranime des fantômes pour moi
Elle dit « Une chose que tu dois apprendre,
C’est de ne pas en avoir peur »
J’ai dit « Non, j’aime ça, j’aime ça, c’est bon »
Elle dit « Tu aimes ça, là
Après, tu ne pourras t’en passer »
Je suis envouté
Je tombe en transe

Je suis envouté
Je tombe en transe
Tu me fais frissonner
Trembler de fièvre
Tu me fais frissonner
Trembler de fièvre
Je suis envouté
Je suis envouté
Je suis envouté
Quelque part sur la folle rivière
(Quelque part sur la folle rivière)

Traduction - Adaptation : Polyphrène et Michaël Midoun

jeudi 5 mai 2022

Cherry Bomb

Well I lived on the outskirts of town
In an eight room farmhouse, baby
When my brothers and friends were around
There was always somethin' doin'
Had me a couple of real nice girlfriends
Stopped by to see me every once in a while
When I think back about those days
All I can do is sit and smile

That's when a sport was a sport
And groovin' was groovin'
And dancin' meant everything
We were young and we were improvin'
Laughin' laughin' with our friends
Holding hands meant somethin' baby
Outside the club "Cherry Bomb"
Our hearts were really pumpin'
Say yeah yeah yeah
Say yeah yeah yeah

The winter days they last forever
And the weekends went by so quick
Went ridin' around this little country town
We were goin' nuts, girl, out in the sticks
One night me with my big mouth
A couple guys had to put me in my place
When I see those guys these days
We just laugh and say do you remember when

That's when a sport was a sport
And groovin' was groovin'
And dancin' meant everything
We were young and we were improvin'
Laughin' laughin' with our friends
Holding hands meant somethin' baby
Outside the club "Cherry Bomb"
Our hearts were really pumpin'
Say yeah yeah yeah
Say yeah yeah yeah
Say yeah yeah yeah
Say yeah yeah yeah

Seventeen has turned thirty-five
I'm surprised that we're still livin'
If we've done any wrong
I hope that we're forgiven
Got a few kids of my own
And some days I still don't know what to do
I hope that they're not laughin' too loud
When they hear me talkin'
Like this to you

That's when a sport was a sport
And groovin' was groovin'
And dancin' meant everything
We were young and we were improvin'
Laughin', laughin' with our friends
Holding hands meant so much baby
Outside the club "Cherry Bomb"
Our hearts were really pumpin'
Say yeah yeah yeah
Say yeah yeah yeah

 

Si John Mellencamp (alias John Cougar), alors âgé de 35 ans, évoque, dans cette chanson, le souvenir de ses 17 ans, ce n'est pas seulement avec nostalgie, mais aussi avec regret. En 1987, déjà, le monde avait en effet changé autant que lui-même. Dans la turbulence de l'adolescence, espoir, désir, et passion se mêlaient, et sa jeunesse dévorait goulument ce que pouvait lui offrir la vie dans une région semi-rurale de l'Amérique qu'on dit "profonde". Rétrospectivement, cette époque déjà révolue lui apparaît plus simple, plus claire, plus vraie : une époque où pouvait se contenter de peu car il était encore possible de rêver – où un regard, le frôlement d'une main, faisait battre le cœur – où l'on n'était pas encore obsédé par le toujours plus – où la transgression bénigne de quelques interdits superficiels tenait lieu de rite de passage vers l'âge adulte, et où le sport n'était pas encore devenu un phénomène médiatique à grande échelle, pourri par l'argent, mais aussi par la violence et l'esprit de compétition devenu esprit d'affrontement.

John Mellencamp reconnaît néanmoins sans ambages que le bouillonnement de l'adolescence l'a amené, en "faisant les quatre-cent coups", à se confronter aux limites du raisonnable et de l'admissible, au point qu'il reçut quelques mémorables corrections.

John Mellencamp est, d'une certaine façon, toujours resté fidèle à ses origines, en défendant, avec Neil Young et Willie Nelson, les petits fermiers américains, en soutenant les démocrates, en défendant les droits des minorités, et le mariage pour tous.

Pour de nombreuses personnes, l'évocation "du bon vieux temps" est un refuge lorsque le présent est sombre et l'avenir obscur, mais John Mellencamp n'en reste pas là lorsqu'il avoue que, face à ses propres enfants, de nombreuses questions restent sans réponse.

NB : Le titre de la chanson est celui que l'auteur attribue à une "boîte de nuit" ou un "dancing" tels que ceux qu'il fréquentait dans sa jeunesse. Cherry Bomb était le nom d'un fameux petit pétard d'artifice qu'utilisaient largement les jeunes gens pour mettre un peu d'animation dans leur environnement trop sage.

ALN


Bombe-Cerise

Dans les faubourgs d' la ville, j'habitais
Une ferme de huit pièces, tu vois
Quand mes frères et amis étaient là
On n' s'ennuyait jamais
J' m'étais trouvé deux copines très sympas
Et, de temps à autre, elles passaient pour me voir
Quand je repense à ce temps-là
Je n' peux que sourire et m'asseoir

Le sport, alors, était propre
Et la fête était gaie
Danser nous faisait rêver
On était jeunes et on apprenait
On rigolait entre copains
S'tenir la main, ce n'était pas rien
Devant la boîte "Bombe-Cerise"
Nos cœurs battaient la chamade
Dis, ouais, ouais, ouais
Dis, ouais, ouais, ouais

L'hiver, les jours n'en finissaient pas
Mais les weekends étaient trop courts
On se baladait autour de cette bourgade
On faisait les fous dans la cambrousse
Un soir, avec ma grande gueule
Deux gars ont dû me remettre à ma place
Quand j'les revois ces jours-ci
On dit "Tu te souviens quand…" et on en rit
 
Le sport, alors, était propre
Et la fête était gaie
Danser nous faisait rêver
On était jeunes et on apprenait
On rigolait entre copains
S'tenir la main, ce n'était pas rien
Devant la boîte "Bombe-Cerise"
Nos cœurs battaient la chamade
Dis, ouais, ouais, ouais
Dis, ouais, ouais, ouais
Dis, ouais, ouais, ouais
Dis, ouais, ouais, ouais

Dix-sept sont d'venus trente-cinq ans
Je m'étonne qu'on soit toujours vivant
Et si on a fait du mal
J'espère qu'on est pardonné
J'ai eu, moi-même, des enfants
Certains jours, je ne sais encore pas que faire
Et j'espère qu'ils ne rient pas trop fort
S'ils m'entendent te parler
De cette façon
 
Le sport, alors, était propre
Et la fête était gaie
Danser nous faisait rêver
On était jeunes et on apprenait
On rigolait entre copains
S'tenir la main, ce n'était pas rien
Devant la boîte "Bombe-Cerise"
Nos cœurs battaient la chamade
Dis, ouais, ouais, ouais
Dis, ouais, ouais, ouais
 
Traduction - Adaptation : Polyphrène (sur une suggestion et avec l'aide de Michaël Midoun)