samedi 30 novembre 2019

The Hills

I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank God

My animal howls
My angel's upset
But I'm not allowed
A trace of regret

For someone will use
The thing I could not be
My heart will be hers
Impersonally

She'll step on the path
She'll see what I mean
My will cut in half
And freedom between

For this in a second
Our lives will collide
The endless suspended
The door opened wide

And she will be born
To someone like you
What I left undone
She will certainly do

I know she is coming
And I know she will look
And that is the longing
And this is the hook

I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank God

My page was too white
My ink was too thinned
The day wouldn't write
But the night penciled in

But I know she's coming
And I know she will look
That is the longing
This is the hook

I know she is coming
And I know she will look
That is the longing
And this is the hook

I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank God

I sailed like a swan
I sank like a rock
But time is long gone
Past my laughing stock

I can't make the hills
The system is shot
I'm living on pills
For which I thank God


Léonard Cohen a voulu cet album « Thanks for the dance », publié trois ans après sa mort. C’est donc là son dernier message, et il n’est pas vraiment joyeux ! Le fond noir uniforme de la pochette illustre la noirceur absolue des propos, mais fait paradoxalement ressortir la brillance du titre en lettres d’or sur la couverture, et des petits dessins et symboles en page intérieure. Il en est de même du texte de « The Hills » où il se décrit, avec une impressionnante lucidité, face à la mort prochaine, mais évoque, aussi avec pudeur, le devenir de son œuvre indissociable de son être, inachevée et éternelle à la fois. Il nous laisse encore, au passage, une de ces étincelles de l’esprit qui le caractérise, en logeant la liberté dans les failles de la volonté (“My will cut in half And freedom between”). A méditer en écoutant sa voix désormais universalisée.
ALC


Les Côtes

En côte, je suis nul
L’moteur est trop vieux
Je vis de pilules
Et remercie Dieu

Ma carcasse aboie
Mon ange est inquiet
Mais je n’ai pas droit
Au moindre regret

Quelqu’un prendra bien
Ce que j’n’ai pu être
Mon cœur sera sien
Sans me reconnaître

Elle suivra l’allée
Verra mon idée
Ma d’mi-volonté
Coupée d’liberté

Nos vies en un instant
Se percuteront
L’infini en suspend
Les portes s’ouvriront

Et elle sera née
De quelqu’un comme toi
Ce que j’n’ai pas fait
Sûr, elle le fera

Je sais qu’elle arrive
Et je sais qu’elle verra
C’est cela l’envie
Et le piège est là

En côte, je suis nul
L’moteur est trop vieux
Je vis de pilules
Et remercie Dieu

Ma page trop pâle
Mon encre trop fluide
Le jour, n’écrivait pas
Mais noircissait la nuit

Mais je sais qu’elle arrive
Et je sais qu’elle verra
Et cela l’envie
Et le piège est là

Je sais qu’elle arrive
Et je sais qu’elle verra
Et cela l’envie
Et le piège est là

En côte, je suis nul
L’moteur est trop vieux
Je vis de pilules
Et remercie Dieu

J’ai vogué comme un cygne
J’ai coulé comme un roc
Mais le temps s’éloigne
De mes rires en stock

En côte, je suis nul
L’moteur est trop vieux
Je vis de pilules
Et remercie Dieu

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

Puppets

German puppets burnt the Jews














Léonard Cohen a souvent évoqué le destin et le rôle que chacun de nous est appelé à jouer. Que ce soit parce que « c’est écrit » ou parce que notre assemblage génétique est ainsi fait, notre espace de liberté est restreint ou, pour le moins, bien encadré. Dans ses derniers albums, Léonard Cohen manifestait une sorte de soumission, faisant acte d’obédience à son créateur. Dans l’album posthume « Thanks for the dance », soumission et résignation font place à la désillusion, voire au nihilisme. Les hommes ne sont que de marionnettes, suggère-t-il, sans désigner celui qui tire les ficelles (l’enchevêtrement des ficelles est tel que tous les êtres sont interdépendants et se manipulent mutuellement). Il dresse le tableau d’un monde où chacun joue docilement le rôle qui lui a été assigné, pour le meilleur ou, plus souvent, pour le pire. La nature est ainsi faite que les prédateurs des uns sont les proies des autres, du bas en haut de la chaîne alimentaire, du bas en haut de la hiérarchie… Les pires atrocités qu’a vécu l’humanité sont le résultat d’une infinité de petites lâchetés, chacun n’ayant fait que jouer son rôle, ni plus ni moins, sans contester, sans regarder, sans penser… jusqu’au grand crépuscule.


Pantins

Pantins-Boches brûlèrent les Juifs
Pantins-Juifs n’ont pas choisi

Pantins-vautours mangent le mort
Se nourrissent de pantins-corps

Pantins-brises et pantins ondes
Marins pantins dans leurs tombes

Pantin-fleur, pantin-tige
Et pantin-temps les détruit

Pantin-moi et pantin-vous
Pantin-Boche, pantin-Juif

Pantins-présidents requièrent
Des pantins-troupes qu’elles brûlent la terre

Pantin-feu, pantins-brandons
Nourris de tous les pantins-noms

Pantins amoureux béats
Se détournent de tout cela

Hochant la tête, pantin-qui-lit
Met son épouse-pantin au lit

Pantin-moi et pantin-vous
Pantin-Boche, pantin-Juif

Pantins-présidents requièrent
Des pantins troupes qu’elles brûlent la terre

Pantin-feu, pantins-brandons
Nourris de tous les pantins-noms

Et pantin-nuit descend et joue
L’épilogue du pantin-jour

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)