mercredi 22 septembre 2021

Slow Burning Love

 
 
 
 
 
 

 

"Il est des jours où Cupidon s'en fout", chantait Georges Brassens. Des jours où l'amour fait long feu. L'étincelle du désir brille un instant, mais… ça ne prend pas. James Taylor évoque ici ces amours fugaces qui ne durent que le temps d'une cigarette et ne laissent qu'un souvenir flou : deux trajectoires qui se croisent sans se rencontrer, deux corps qui s'approchent mais ne s'accrochent pas, deux cœurs qui s'abordent mais ne s'accordent pas. Cette chanson de James Taylor a pour décor la côte ouest des États-Unis dans l'ambiance si particulière (et un peu enfumée) des années 1970, avec un son tout aussi caractéristique, qui renforce la tonalité nostalgique.

 

Amour à Petit Feu

 Il faisait chaud comme dans un four

Quelque part en cette fin d'été
Je n'me souviens guère du jour
Just' le soleil sur la baie, qui brûlait, chérie
 
Même pas besoin de savoir ton nom,
C'était, oh, si clair que tu n'avais d'yeux que pour moi
Des yeux mi-clos, mi-ouverts, à demi-nus pour moi, chérie
 
C'était un amour à p'tit feu,
Un simple petit béguin
Brûlant sous la cendre à p'tit feu
Pour tous les deux
Et qui, comme le soleil à l'ouest au fond des cieux,
S'éteint
 
Oh, les lumières de la ville à portée de main
J'aurais pu être un autre homme tout aussi bien
Tu aurais pu aussi bien être une autre blonde
Ça aurait pu aussi bien être un autre monde
 
C'était un amour à p'tit feu,
Un simple petit béguin
Un amour qui brûle à p'tit feu,
Pour tous les deux
Et qui, comme le soleil à l'ouest au fond des cieux,
S'éteint
 
Amour à p'tit feu
Ce que tu fumais ce jour là
C'était bien… chaud !
 
C'était un amour à p'tit feu,
Un simple petit béguin
Un amour qui brûle à p'tit feu,
Pour tous les deux
Et qui, comme le soleil à l'ouest au fond des cieux,
S'éteint

 

Traduction – Adaptation : Polyphrène & Michaël Midoun

mardi 22 juin 2021

Oscar Wilde Gets Out

Freedom for the scapegoat leaving Reading Jail
Rheumy eyes just pierced his heart like crucifixion nails
Shaking fists and razors gleamed, you never stood a chance
When the ink ran red on Fleet Street
You turned your eyes to France

Humbled far from Dublin, chased across the waves
Your biting wit still sharp enough
To slice through every page
Destitute and beaten by the system of the crown
The bitter pill you swallowed
Tasted sweeter going down

And looking back on the great indifference
Looking back at the limestone wall
Thinking how beauty deceives you
Knowing how love fools us all


A golden boy in velveteen landed in New York
The past was so seductive
When they paid to hear you talk
Baccarat and champagne flutes
Tobacco from Virginia
Long before the lords and law
Branded Oscar Wilde a sinner


And looking back on the cold bleak winter
Looking back on those long dark days
Felt like the head of John the Baptist
In the arms of Salome

Don't turn around it's a white gull screaming
Don't cry out loud you never know who's listening
You've seen it all the exiled Unforgiven
From the stately homes of England to her prisons


And looking back at the hardened lifers
Looking back on the wretched poor
Thinking maybe they were my saviors
Strange to think I'll miss them all
Strange to think I'll miss them all

And looking back on the great indifference
Looking back at the limestone wall
Thinking how beauty deceives you
Knowing how love fools us all




Ce texte de Bernie Taupin, mis en musique et chanté par Elton John (Sir Elton Hercules John), résume la deuxième partie de la vie d'Oscar Wilde, lorsque, au sommet de sa gloire de poète, romancier, dramaturge, et conférencier de renom, et après une longue et glorieuse tournée aux Etats-Unis, il est condamné à la prison pour immoralité par la justice de l'Angleterre aussi puritaine qu'hypocrite de la fin du XIXème siècle.

La chanson évoque sa sortie de prison, mais aussi les injures, menaces, et critiques acerbes, notamment de la presse qui, auparavant, le portait au pinacle. Elle décrit son départ pour la France, sa désillusion, et ses souvenirs du passé glorieux et du luxe dans lequel il aimait à vivre, mais aussi de ses deux années de prison, et son sentiment, alors, d'être la victime expiatoire d'une société pudibonde, une monnaie d'échange comme Jean-Baptiste dans la légende de Salomé (Oscar Wilde écrivit en Français, au début des années 1890, "Salomé", une pièce qui ne fut pas autorisée à être jouée en Angleterre car mettant en scène des personnages bibliques). 

La chanson revient enfin sur la prison, où Oscar Wilde a côtoyé des criminels, condamnés à perpétuité ou à mort, dont l'attitude et le sort l'ont, paradoxalement, soutenu dans son épreuve, et lui ont inspiré son dernier poème (The Ballad of Reading Gaol) dans lequel il répète "Yet each man kills the thing he loves" (Tout homme tue ce qu'il aime). Peut-être pourrait-on dire aussi : Les hommes aiment ce qui les tue… ce qui se vérifie bien souvent, dans de nombreux domaines !


Oscar Wilde sort de geôle

De la prison de Reading, le bouc-émissaire sort
Son cœur est comme crucifié par des regards de mort
Poings levés, rasoirs brandis ne laissaient aucune chance,
Quand, rue Fleet, l'encre rougit
Tu regardas vers la France

Déchu, chassé de Dublin vers d'autres plages
Ton esprit encore assez vif
Pour trancher net à chaque page
Ruiné et broyé par la Couronne et son emprise
Elle te parut plus douce, l'amère pilule que tu as prise

Regardant, derrière toi, la grande indifférence
Et les blanches falaises s'éloigner
Pensant que la beauté peut tromper
Sachant que l'amour peut duper

Le jeune prodige, à New York, débarquait
Le passé avait tant d'attraits
Quand on payait pour t'écouter
Baccarat, flutes de champagne
Et tabac de Virginie
Bien avant que juges et Lords
Ne déclarent Oscar Wilde pécheur

Tu te souviens de ce lugubre hiver
De ces longues et sombres journées
Te sentant la tête de Jean Baptiste
Dans les mains de Salomé

Ne te retourne pas : c'est le cri d'une mouette
Parle plus bas ; on ne sait jamais qui écoute
Tu as tout vu : l'exil, le refus du pardon
Passer des grandes maisons d'Angleterre à ses prisons

Tu penses à ces condamnés endurcis
Tu penses à tous ces pauvres gueux
Qui furent peut-être, tes sauveurs
"C'est drôle, ils vont me manquer"
"C'est drôle, ils vont me manquer"

Regardant, derrière toi, la grande indifférence
Et les blanches falaises s'éloigner
Pensant que la beauté peut tromper
Sachant que l'amour peut duper



(Traduction - Adaptation : Michaël Midoun & Polyphrène)