mardi 31 janvier 2023

Vincent

Starry, starry night
Paint your palette blue and gray
Look out on a summer’s day
With eyes that know the darkness in my soul

Shadows on the hills
Sketch the trees and the daffodils
Catch the breeze and the winter chills
In colors on the snowy, linen land
Now, I understand
What you tried to say to me
And how you suffered for your sanity
And how you tried to set them free
They would not listen, they did not know how
Perhaps they’ll listen now

Starry, starry night
Flaming flowers that brightly blaze
Swirling clouds in violet haze
Reflect in Vincent’s eyes of china blue
Colors changing hue
Morning fields of amber grain
Weathered faces lined in pain
Are soothed beneath the artist’s loving hand
Now, I understand
What you tried to say to me
How you suffered for your sanity
How you tried to set them free
They would not listen, they did not know how
Perhaps they’ll listen now

For they could not love you
But still your love was true
And when no hope was left inside
On that starry, starry night
You took your life as lovers often do
But I could have told you,
Vincent, this world was never meant for one as beautiful as you

Starry, starry night
Portraits hung in empty halls
Frameless heads on nameless walls
With eyes that watch the world and can’t forget
Like the strangers that you’ve met
The ragged men in ragged clothes
The silver thorn of bloody rose
Lie crushed and broken on the virgin snow
Now, I think I know
What you tried to say to me
How you suffered for your sanity
How you tried to set them free
They would not listen, they’re not listening still
Perhaps they never will

 

La cinq-centième traduction de Polyphrène est une première : si la musique et la poésie s'accordent et se subliment pour créer une chanson, une troisième dimension vient rehausser encore l'œuvre lorsque la chanson en question est consacrée à la peinture. Tel est le cas de "Vincent", une chanson de Don McLean dédiée à Vincent Van Gogh. Cette chanson connut un immense succès (au point que le manuscrit original s'est récemment vendu à 1,5 millions de dollars). Don McLean y évoque la vie et le suicide de Van Gogh, mais décrit aussi son œuvre en des termes que ne renient pas les plus grands admirateurs et spécialistes de cet artiste, à tel point que l'audition de cette chanson provoque l'irrésistible envie de redécouvrir ses tableaux. De très belles vidéos sont proposées pour illustrer la chanson, mais il faut noter aussi l'enregistrement de Chet Atkins accompagnant Don McLean.

Plusieurs tableaux célèbres de Van Gogh sont cités ou évoqués, dont "Starry Night", mais l'épine d'argent et la rose couleur de sang ne trouvent pas de correspondance directe dans l'œuvre de Van Gogh (bien qu'ayant inspiré d'autres artistes). Certains y voient une allusion aux modalités de son suicide, de même que l'emploi du pluriel ("they would not listen") pourrait concerner famille, proches, entourage… confrontés aux troubles mentaux dont il souffrait. Le débat reste ouvert, mais l'hommage du chanteur au peintre est justifié et convaincant.


PS: A écouter absolument, sur le même sujet, Philippe Forcioli qui sait mieux que personne mettre de la couleur dans la chanson :

https://memoirechante.wordpress.com/2012/02/24/philippe-forcioli-vincent-van-gogh/


Vincent

Ciel semé d'étoiles
Du gris, du bleu sur ta toile
Tu regardes un jour d'été
Tes yeux voient en mon âme l'obscurité

L'ombre des collines
Arbres et jonquilles s'illuminent
Bise et frimas que tu dessines
En couleur au sol enneigé de blanc
Alors, je comprends
C'que tu tentais de me dire
La folie qui te faisait souffrir
Tu voulais les affranchir
Ils n'écoutaient pas, ne savaient comment
Savent-ils maintenant ?

Ciel semé d'étoiles
Flammèches de fleurs qui brillent
Nuages violets en vrilles
Se reflètent dans ses yeux bleu de Chine
Les couleurs se déclinent
Ambre du grain dans les prés
De labeur visages ridés
Qu'apaisent les mains aimantes du peintre
Et je peux comprendre
C'que tu tentais de me dire
La folie qui te faisait souffrir
Tu voulais les affranchir
Ils n'écoutaient pas, ne savaient comment
Savent-ils maintenant ?

Ils ne pouvaient t'aimer
Malgré ton amour vrai
Et quand il n'y eut plus d'espoir
Dans cette nuit semée d'étoiles
Comme tant d'amants, tu choisis de mourir
Mais j'aurais pu te dire,
Vincent, dans ce monde, une belle âme comme toi n'avait pas d'avenir

Ciel semé d'étoiles
Portraits sur des murs banals
Sans cadre dans de mornes salles
Leurs yeux qui voient le monde et ne peuvent oublier
Comme ces gueux déguenillés
Inconnus jadis rencontrés
Épine d'argent, rose écrasée
Couleur sang sur la neige immaculée
Maintenant je sais
C'que tu tentais de me dire
La folie qui te faisait souffrir
Tu voulais les affranchir
Ils n'écoutaient pas, ne savaient comment
Savent-ils maintenant ?

(Traduction – Adaptation : Polyphrène, sur une suggestion de Jillian)





dimanche 8 janvier 2023

Memo from Turner

Didn't I see you down in San Antone on a hot and dusty night?
We were eating eggs in Sammy's when the black man there drew his knife
Didn't you drown that Jew in Rampton as (when) he washed his sleeveless shirt
You know, that Spanish-speaking gentleman, the one we all called "Kurt"


Come now, gentleman, I known there's some mistake
How forgetful I'm becoming now you fixed your business straight

I remember you in Hemlock Road in nineteen fifty-six
You're a faggy little leather boy with a smaller piece of stick
You're a lashing, smashing hunk of man, your sweat shines sweet and strong
Your organ working perfectly but there's a part that's not screwed on


Weren't you at the Coke convention back in nineteen sixty-five?
You're the misbred, gray executive I've seen heavily advertised
You're the great, gray man whose daughter licks policemen's buttons clean
You're the man who squats behind the man who works the soft machine

Come now, gentleman your love is all I crave
You'll still be in the circus when I'm laughing, laughing in my grave


When the old men do the fighting and the young men all look on
And the young girls eat their mothers’ meat from tubes of plasticon
So be wary of these my gentle friends of all the skins you breed
They have a tasty habit they bite the hands that bleed

So remember who you say you are and keep your noses clean
Boys will be boys and play with toys so be strong with your beast
Oh Rosie dear, don'tcha think it's queer so stop me if you please
The baby is dead, my lady said, "You gentlemen, why, you all work for me"

 

"Memo from Turner" est une chanson écrite par Mick Jagger and Keith Richards (leur contribution respective est discutée), et qui figure sur la bande sonore du film "Performance" (Donald Cammell et Nicolas Roeg, 1970) dans lequel Mick Jagger joue le rôle de Turner, un chanteur de Rock sur le déclin. Le film mêle, dans une atmosphère glauque et ambiguë, sexe, drogue, gangsterisme, et violence, et cette chanson, mi-parlée mi-chantée avec véhémence par Mick Jagger, est l'épitome à la fois du milieu trouble du gangstérisme londonien et de la dérive morale ("décadence" ?) de l'époque. Dans un langage extrêmement cru, le chanteur s'adresse tour-à-tour aux différents protagonistes pour évoquer leurs crimes et leur abjection. Les paroles sont un peu différentes dans la version extraite du film et celle qui figura sur l'album des Rolling Stones "Metamorphosis", mais l'ambiance est la même. Est aussi évoqué le roman poussant le glauque et la déchéance sur fond de drogues à son paroxysme : "La Machine Molle" (The Soft Machine, de William S. Burroughs, 1961). "The Soft Machine" et "Performance" ont, en leur temps, provoqué un mélange d'indignation et de fascination morbide, et la vidéo extraite du film montre, dans ce monde trouble, un Mick Jagger très convaincant.


Memo de Turner

N'est-ce pas toi que j'ai vu à San Antone, par un soir chaud et malsain
On broutait l'cresson chez Sammy quand ce noir sortit son surin
Ah, et tu as noyé ce Juif à Rampton, quand il lavait son gilet
Tu sais, ce monsieur parlant Espagnol, Kurt, comme on l'appelait

Bon, mon cher, c'était une erreur, j'ai compris
C'est drôle tout ce que j'oublie quand tu mets les points sur les i

Je me souviens de toi, rue Hemlock, c'était en cinquante-six
T'étais une petite tapette en cuir avec un petit zizi
Un beau gosse, frappant, cognant, luisant   de sueur sur sa peau lisse
Ton organe marchait à merveille, mais il te manquait quelques vis

C'était bien toi, en cinquante-cinq, au    Coca-Cola Congrès
Toi, ce bâtard, ce sinistre cadre tourné en vraie célébrité
Ce grand-homme grisâtre dont la fille lèche aux flics les boutons d'col
T'étais l' mec à g'noux au cul du gars maniant la machine molle

Allons, ton amour est tout c'que je convoite
Tu s'ras toujours dans l'arène quand je rirai, rirai dans ma boîte

Quand ce sont les vieux qui combattent tandis que les jeunes observent
Et les jeunes filles bouffent la chair d'leurs mères dans des boîtes de conserve
Allons, méfiez-vous d'elles, mes bons amis, des peaux qu'vous élevez
Les mains qui saignent, elles ne pensent toujours qu'à les bouffer

Rapp'lez vous qui vous prétendez être, tenez-vous à carreau
Qu'les mecs soient mecs avec leur jouet, sachez dresser votr'bête
Oh, chère Rosie, c'est bizarre, n'est-ce-pas, s'il te plait, arrête-moi
Le bébé est mort, ma dame a dit, "Vous, messieurs, vous travaillez tous pour moi"


Traduction - Adaptation : Polyphrène (sur une suggestion et avec l'aide de Michaël Midoun)