dimanche 27 octobre 2019

Happens to the Heart

I was always working steady
But I never called it art
I was funding my depression
Meeting Jesus reading Marx
Sure it failed my little fire
But it's bright the dying spark
Go tell the young messiah
What happens to the heart

There’s a mist of summer kisses
Where I tried to double-park
The rivalry was vicious
And the women were in charge
It was nothing, it was business
But it left an ugly mark
So I’ve come here to revisit
What happens to the heart

I was selling holy trinkets
I was dressing kind of sharp
Had a pussy in the kitchen
And a panther in the yard
In the prison of the gifted
I was friendly with the guard
So I never had to witness
What happens to the heart

I should have seen it coming
You could say I wrote the chart
Just to look at her was trouble
It was trouble from the start
Sure we played a stunning couple
But I never liked the part
It ain’t pretty, it ain’t subtle
What happens to the heart

Now the angel’s got a fiddle
And the devil’s got a harp
Every soul is like a minnow
Every mind is like a shark
I've opened every window
But the house, the house is dark
Just say Uncle, then it's simple
What happens to the heart

I was always working steady
But I never called it art
The slaves were there already
The singers chained and charred
Now the arc of justice bending
And the injured soon to march
I lost my job defending
What happens to the heart

I studied with this beggar
He was filthy he was scarred
By the claws of many women
He had failed to disregard
No fable here no lesson
No singing meadow lark
Just a filthy beggar blessing
What happens to the heart

I was always working steady
But I never called it art
I could lift, but nothing heavy
Almost lost my union card
I was handy with a rifle
My father's 303
We fought for something final
Not the right to disagree

Sure it failed my little fire
But it's bright the dying spark
Go tell the young messiah
What happens to the heart



La voix de Leonard Cohen n’a pas fini de résonner. Après ses mémoires (‘Can’t forget’) et ses adieux (‘You want it darker’), il nous offre aujourd’hui des confessions d’outre-tombe à l’annonce de la prochaine sortie de son album posthume (‘Thanks for the dance’). Dans ce nouveau texte, dit sur un fond musical très discret, et présenté le long d’un ‘clip-vidéo’ étrange et fascinant, Leonard résume sa vie par les déboires et souffrances du cœur. Comme à son habitude, il prend parfois ses distances à l’égard de lui-même et se décrit, presque comme un étranger, simple sujet d’observation. Sans chercher à s’exonérer ni a se disculper, il évoque sa (ou ses) faiblesse(s), ses espoirs, son idéal, mais aussi les vicissitudes auxquelles il n’a pu échapper : ce n’est pas le destin, ce n’est pas une fatalité, mais les hommes sont ainsi faits qu’ils ne peuvent échapper à leur nature… et ses conséquences. Ils peuvent néanmoins rêver, et ne s’en privent pas, mais sont rarement les héros qu’ils voudraient être car la vie n’est pas une pièce de théâtre que l’on répète. Chaque échec, chaque faute laisse ses traces et c’est un cœur meurtri (« qui a su faire souffrir autant qu’il a souffert ») qui parvient au bout du chemin. Pas de leçon, pas de morale, nous dit-il, juste le sentiment d’avoir souffert, donc vécu… et d’avoir fait briller une petite étincelle…

A Hélène


Ce Qu'il Advient au Cœur

Je travaillais correctement
Sans prétendre faire de l’art
Je finançais ma dépression
Suivant Jésus, lisant Marx
C’est vrai, ma flamme a fait long feu
Mais elle brille, la p’tite lueur
Va dire au jeune messie
Ce qu’il advient au cœur

Je me suis mis en double file
Dans la brume des baisers d’été
La concurrence était rude
Et les femmes décidaient
Ce n’était rien, que du commerce
Mais ça souillait de laideur
Alors, je suis venu revoir
Ce qu’il advient au cœur

Je vendais des babioles sacrées
Je m’habillais plutôt bien
Avais une chatte à la cuisine
Et une panthère au jardin
Dans la prison des mieux dotés
J’étais le pote du gardien
Je n’ai donc pas eu à voir
Ce qu’il advient au cœur

J’aurais dû le voir venir
Comme si je l’avais écrit
Il suffisait d’ la regarder
Et les ennuis commençaient
Nous jouions le couple très bien
Mais j’avais c’ rôle en horreur
C’est pas bien beau, c’est pas très fin
Ce qu’il advient au cœur 

Maint’nant, le violon est à l’ange
Et l’harmonica au Malin
Chaque âme est comme un alevin
Et chaque esprit comme un requin
J’ai ouvert toutes les fenêtres
Mais la maison reste obscure
Dis juste « Pouce » et c’est tout simple
Ce qu’il advient au cœur

Je travaillais correctement
Sans prétendre faire de l’art
Les esclaves déjà présents
Les chanteurs enchaînés, brûlés
La justice a bandé son arc
Les blessés march’ront tout à l’heure
J’ai perdu la défense de
Ce qu’il advient au cœur

J’ai étudié avec ce gueux
Aussi crasseux qu’estropié
Par les griffes de tant de femmes
Qu’il n’avait pas su dédaigner
Ni fable, ni morale ici
Ni chant d’alouette, d’ailleurs
Juste un pauvre gueux qui bénit
Ce qu’il advient au cœur 

Je travaillais correctement
Sans prétendre faire de l’art
Je n’ peux rien porter de pesant
Presque perdu ma licence
Avec le fusil de mon père
J’étais assez fort
On s’battait pour un but suprême
Pas le droit d’être en désaccord

C’est vrai, ma flamme a fait long feu
Mais elle brille, la p’tite lueur
Va dire au jeune messie
Ce qu’il advient au cœur

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)