samedi 31 mars 2012

Avenue


What is wrong at the end of the day
What is really wrong no one dares to say
You know you're wrong when there's only one right
But what is wrong when right is out of sight

Right rode away long ago
Before rescuing wrong from below
I might be mistaken
I know we need to be somewhat

Foolish, feebleminded, wrong and senseless
Right rode off long ago,
There's nothing more you need to know
There's nothing more you need to show
Let us disagree,
Cause wrong was made for you to be

What is false when we can't hear no more
And there is nothing to cover for
What is wrong in this old wasted game
May right and wrong be one and the same

Right rode away long ago
Before rescuing wrong from below
I might be mistaken
I know we need to be somewhat

Foolish, feebleminded, wrong and senseless
Right rod off long ago,
There's nothing more you need to know
There's nothing more you need to show
Let us disagree,
Cause wrong was made for you to be




Bien, Mal, Vrai, Faux, Raison, Tort : ces mots s’opposent deux à deux mais se liguent pour juger et condamner.
Agnes Obel joue avec les multiples acceptions des mots « Right » et « Wrong » qui, en anglais, peuvent désigner respectivement « bien » ou « vrai » et « mal » ou « faux », alors que la langue française distingue plus soigneusement ces concepts, en y insinuant la notion de sincérité : on peut être dans l’erreur et se comporter bien, ou faire du mal en toute bonne conscience ; être responsable mais pas coupable ; être bon par erreur ou mauvais par devoir… Seul le mot « tort » désigne à la fois l’erreur et la culpabilité.
La tentation manichéenne est toujours présente, et il est mal vu de ne pas choisir son camp. Pourtant, quelle fausse liberté que celle de se définir ou se déterminer par opposition ! Choisir le blanc contre le noir, la clarté contre l’ombre, l’envers contre l’endroit… et ne plus avoir à réfléchir, oublier les nuances, rejeter les compromis.
L’âme humaine est pourtant plus complexe et plus riche. Notre cœur peut héberger des sentiments contraires, et nos pensées peuvent appréhender la même question sous différents angles.
Dans les relations sociales ou amoureuses, chacun n’expose à l’autre qu’un côté de sa personne ou de sa personnalité, mais ses actions ou réactions expriment la totalité de son être.
Un reflet ne décrit pas toute la vérité ; un mot ne dit pas toute la pensée.
Quelle qu’en soit l’intention, toutes nos paroles et tous nos gestes peuvent être interprétés en bien ou en mal. Tant de couples se sont déchirés lorsque l’un des amants a choisi le parti pris du rejet, faisant la politique du pire, et ne retenant que la face cachée des mots pour souligner les torts supposés de l’autre.
Le bien s’en est allé, chante Agnes Obel. Peut-il encore venir au secours du mal ?


Avenue

Qu’est-ce que le mal quand le jour expire
Ce qui est vraiment mal, nul n’ose le dire
On sait qu’on a tort quand il n’y a qu’un vrai
Mais qu’est le mal quand le bien est caché

Bien, jadis, a mis les bouts
Avant de sauver Mal par dessous
Je peux bien me tromper
Je sais que nous devons être assez

Fous, faibles d’esprit, mauvais, insensés
Vrai, jadis, mit les bouts
Tu n’as rien de plus à savoir
Tu n’as rien de plus à faire voir
Je m’oppose à toi
Car Mal fut fait pour que tu sois

Qu’est le Faux si l’on n’ peut plus entendre
Qu’est le Faux s’il n’y a plus rien à feindre
Qu’y a t’il de Mal dans ce vieux jeu vain
Puissent Bien et Mal ne plus faire qu’un

Bien, jadis, a mis les bouts
Avant de sauver Mal par dessous
Je peux bien me tromper
Je sais que nous devons être assez

Fous, faibles d’esprit, mauvais, insensés
Vrai, jadis, mit les bouts
Tu n’as rien de plus à savoir
Tu n’as rien de plus à faire voir
Je m’oppose à toi
Car Mal fut fait pour que tu sois

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

samedi 24 mars 2012

Lemon Tree


I'm sitting here in a boring room
It's just another rainy Sunday afternoon
I'm wasting my time, I got nothing to do
I'm hanging around, I'm waiting for you
But nothing ever happens        and I wonder

I'm driving around    in my car
I'm driving too fast,    I'm driving too far
I'd like to change my point of view
I feel so lonely, I'm waiting for you
But nothing ever happens      and I wonder

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me 'bout the blue, blue sky
And all that I can see    is just a yellow lemon tree
I'm turning my head     up and down
I'm turning, turning, turning, turning, turning around
And all that I can see     is just another lemon tree

Sing, dah dah dah di dah dah….

I'm sitting here, I miss the power
I'd like to go out,     taking a shower
But there's a heavy cloud inside my head
I feel so tired, put myself into bed
Where nothing ever happens      and I wonder

Isolation is not good for me
Isolation,    I don't want to    sit on a lemon tree
I'm steppin' around in a desert of joy
Baby anyhow I'll get another toy
And everything will happen     and you'll wonder

I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me 'bout the blue, blue sky
And all that I can see is just another lemon tree
I'm turning my head up and down
I'm turning, turning, turning, turning, turning around
And all that I can see is just a yellow lemon tree
And I wonder, wonder
I wonder how, I wonder why
Yesterday you told me 'bout the blue, blue sky
And all that I can see,    and all that I can see
And all that I can see     is just a yellow lemon tree





Une chanson qui captive, dès l’introduction, par l’originalité et l’allant de sa mélodie au point que l’on peut écouter distraitement les paroles pour ne retenir qu’une vague histoire de citronnier et de pluie du dimanche après-midi.
Quelques indices (ou une légende ?) lui donnent cependant un éclairage bien différent, puisque l’on raconte qu’elle fut écrite après que le chanteur du groupe « Fool’s Garden », Peter Freudenthaler, ait perdu sa fiancée, tuée dans un accident lorsque sa voiture se serait écrasée contre un citronnier.
La description de la solitude et de la vacuité du cœur devient alors plus poignante, et la métaphore du citronnier plus facile à élucider (au même titre, bien que dans un registre différent, que dans le « Lemon Tree » de Peter, Paul, and Mary). « I wonder » signifie alors tout autant l’inquiétude que l’étonnement et le questionnement, tandis qu’un lourd nuage noir envahit la pensée.
L’absence ternit les couleurs, réduit l’espace, abolit la volonté.
L’attente vaine engourdit l’esprit et refroidit le cœur.
L’âme ne connaît plus ni joie ni désir, car tout est superflu quand on est privé de l’essentiel !

Il en néanmoins possible d’en rester à une interprétation générique des paroles, évoquant simplement la fin inopinée d’une relation, le vide affectif qui en résulte, puis l’espoir qui renaît – comme le suggère le dernier couplet, qui évoque une forme de revanche.



Citronnier

Je suis assis dans une chambre d’ennui
Encore un dimanche après-midi sous la pluie
Je n’ai rien à faire, alors je perds mon temps
Et je tourne en rond pendant que je t’attends
Mais il n’arrive jamais rien, et je m’étonne

Je conduis trop vite en voiture
Je conduis trop loin et à l’aventure
Je voudrais voir différemment
Je me sens si seul pendant que je t’attends
Mais il n’arrive jamais rien, et je m’étonne

Dis-moi pourquoi, dis-moi comment
Hier tu me parlais du bleu du firmament
Mais je ne vois jamais rien d’autre que ce citronnier
Je tourne le regard tout autour
Je tourne, tourne, tourne, tourne, et tourne toujours
Et je ne vois jamais rien que cet éternel citronnier

Chante : La, la la…

Je reste assis ; je n’ai pas la pêche
J’aimerai sortir ou prendre une douche
Il y a dans ma tête un gros nuage gris
Trop fatigué, je vais me mettre au lit
Où il n’arrive jamais rien, et je m’étonne

L’isolation m’est déconseillée
Isolation ; je ne vivrai pas sous un citronnier
J’erre dans un endroit déserté par la joie
Mais je jouerai à autre chose que ça
Et tout enfin arrivera… Ça t’étonnera

Dis-moi pourquoi, dis-moi comment
Hier tu me parlais du bleu du firmament
Mais je ne vois jamais rien d’autre que ce citronnier
Je tourne le regard tout autour
Je tourne, tourne, tourne, tourne, et tourne toujours
Et je ne vois jamais rien que cet éternel citronnier
Et je m’étonne, m’étonne
Dis-moi pourquoi, dis-moi comment
Hier tu me parlais du bleu du firmament
Et je ne vois jamais, et je ne vois jamais
Et je ne vois jamais que cet éternel citronnier

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

dimanche 18 mars 2012

True Love Leaves No Traces

As the mist leaves no scar
On the dark green hill
So my body leaves no scar
On you and never will

Through windows in the dark
The children come, the children go
Like arrows with no targets
Like shackles made of snow

True love leaves no traces
If you and I are one
It's lost in our embraces
Like stars against the sun

As a falling leaf may rest
A moment on the air
So your head upon my breast
So my hand upon your hair

And many nights endure
Without a moon or star
So we will endure
When one is gone and far

True love leaves no traces
If you and I are one
It's lost in our embraces
Like stars against the sun




Comme tout poète et comme tout amant, Léonard Cohen sait chanter une ballade à l’élue de son cœur. Il sait aussi lui offrir un bouquet de fleurs, mais l’assortiment est alors original et surprenant.
Comme le crime parfait ne laisse aucun indice, le véritable amour ne laisse ni trace ni cicatrice. Comme la brume qui s’élève au matin sur le pré disparaît quand le soleil est levé, l’amour ne marque pas son empreinte sur l’autre. Comme la feuille morte qui hésite un instant, l’amour est si léger qu’il ne fait qu’effleurer. Et comme les étoiles qui brillent dans la nuit s’effacent discrètement à la lumière du jour, l’amour est invisible autant qu’il est présent. Les flèches perdues ne heurtent aucune cible. Les chaînes et les boulets ne retiennent qu’un temps quand fond la neige dont ils ont été faits.
Quel est donc cet amour, impalpable et subtil ?
A quoi bon un amour sans effet ni audace ?
L’amour disparaît-il chaque fois qu’on s’embrasse ?
Est-ce un amour sans vie ? Est-ce un amour sans force ?
S’il ne fait aucun mal, peut-il faire quelque bien ?
S’il laisse le corps intact, peut-il atteindre l’âme ?
Est-il vrai qu’il traverse et le temps et l’espace ?
N’est-ce pas que le rêve d’un amour innocent ?
Un vœu, un souvenir, ou un espoir ardent ?
Ou le remords puissant et le regret tenace ?
Et ne comptez pas sur Léonard pour apporter sa réponse : à chacun la sienne !



L’Amour Passe Sans Trace

La brume ne laisse pas
De trace sur le bois
Et mon corps ne laissera
Jamais trace sur toi

Par les baies, dans le noir
Les enfants vont, viennent en manège
Tels des flèches sans trajectoire
Des boulets faits de neige

L’amour passe sans trace
Si nous ne faisons qu’un
Dans nos étreintes, il s’efface
L’étoile au jour s’éteint

Une feuille morte peut rester
Un instant dans les cieux
Comme ta tête sur mon côté
Comme ma main dans tes cheveux

Les nuits peuvent se passer
Sans lune ni astre aucun
Nous saurons supporter
Qu’un de nous parte au loin

L’amour passe sans trace
Si nous ne faisons qu’un
Dans nos étreintes, il s’efface
L’étoile au jour s’éteint

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

dimanche 11 mars 2012

A Singer Must Die

Now the courtroom is quiet, but who will confess.
Is it true you betrayed us? The answer is Yes.
Then read me the list of the crimes that are mine,
I will ask for the mercy that you love to decline.
And all the ladies go moist, and the judge has no choice,
A singer must die for the lie in his voice.

And I thank you, I thank you for doing your duty,
You keepers of truth, you guardians of beauty.
Your vision is right, my vision is wrong,
I'm sorry for smudging the air with my song.

Oh, the night it is thick, my defences are hid
In the clothes of a woman I would like to forgive,
In the rings of her silk, in the hinge of her thighs,
Where I have to go begging in beauty's disguise.
Oh goodnight, goodnight, my night after night,
My night after night, after night, after night, after night, after night.

I am so afraid that I listen to you,
Your sun glassed protectors they do that to you.
It's their ways to detain, their ways to disgrace,
Their knee in your balls and their fist in your face.
Yes and long live the state by whoever it's made,
Sir, I didn't see nothing, I was just getting home late.


Strophe additionnelle rajoutée dans "Stranger Music" (absente de la chanson originale)

So save me a place in the ten - dollar grave
With those who took money for the pleasure we gave
With those always ready, with those who are dressed
So you could lay down with your head on their breast yes
And the ladies gone moist, and the judge has no choice,
A singer must die for the lie in his voice.





A Singer Must Die” est un repère majeur dans l’œuvre de Léonard Cohen, au point qu’un groupe (Philippe Le Guern et Manuel Ferrer) en a fait son nom, et que Steven Page a donné ce nom à un album dans lequel il en chante une reprise.
Léonard Cohen ne chante pas seulement que « Le premier qui dit la vérité… doit être exécuté » : il met en cause l’un des ressorts essentiels de notre société, qui évalue, juge, et sanctionne tout, de nos paroles et actes publics jusqu’à notre vie intime et nos pensées. Tout est jaugé, pesé, évalué. Tout à une valeur, un coût, et un prix.
Comme toute forme d’énergie se dégrade finalement en chaleur, c’est l’entropie de la pensée que de tout ramener ainsi à une valeur et, en fin de compte, à l’argent (il suffit pour s’en convaincre de lire un quelconque article dans la presse américaine, notamment en matière de création artistique, pour constater, dès les premières lignes, que l’œuvre est jugée par son prix).
L’humour noir, sarcastique, de Léonard Cohen, souligne la dimension sadique de ce comportement social. Comme la plus basse forme de l’humour est de rire aux malheurs des autres, la plus vile forme de comportement social est de tirer fierté d’une quelconque supériorité sur une échelle arbitraire qui monte sans s’élever.


A Mort le Chanteur

Le tribunal se tait. Mais qui a trahi ?
Est-ce vous qui avouerez ? La réponse est : « Oui »
Énumérez les crimes dont je suis accusé
J’implorerai la grâce que vous aimez refuser
Et les dames deviennent moites ; le juge n’a pas le choix
Mort au chanteur pour le mensonge dans sa voix

Merci à vous de faire ce que vous devez
Tuteurs de beauté, gardiens de vérité
Ma vision est fausse, vous avez raison
Désolé de souiller l’air par ma chanson

Oh, la nuit est noire ; ma défense est cachée
Dans les vêtements d’une femme que j’aimerais pardonner
Dans ses volants de soie, où ses cuisses fléchissent, et
Où je dois aller mendier sous couvert de beauté
Oh, bonne nuit, bonne nuit, ma nuit après nuit
Ma nuit après nuit, après nuit, après nuit, après nuit, après nuit

J’ai si peur que je vous écoute, car
C’est l’effet que font vos gardes à lunettes noires
Leur façon de restreindre, de déshonorer
Le genou dans l’aine, le poing sur le nez
Oui, et vive l’Etat, qu’importe qui s’en empare
Je n’ai rien vu, monsieur, je suis seul’ment rentré tard



Gardez-moi une place dans la fosse commune
Avec ceux qui monnaient le plaisir que l’on donne
Avec ceux qui sont prêts, qui sont habillés
Que, la tête sur leur sein, tu puisses t’allonger
Et les dames deviennent moites ; le juge n’a pas le choix
Mort au chanteur pour le mensonge dans sa voix

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)