And his mother cried in bed
Folding John Wayne's t-shirts
When the swingset hit his head
The neighbors they adored him
For his humor and his conversation
Look underneath the house there
Find the few living things, rotting fast, in their sleep
Oh, the dead
Twenty-seven people
Even more, they were boys
With their cars, summer jobs
Oh my God
Are you one of them?
He dressed up like a clown for them
With his face paint white and red
And on his best behavior
In a dark room on the bed
He kissed them all
He'd kill ten thousand people
With a sleight of his hand
Running far, running fast to the dead
He took off all their clothes for them
He put a cloth on their lips
Quiet hands, quiet kiss on the mouth
And in my best behavior
I am really just like him
Look beneath the floor boards
For the secrets I have hid
N’est-ce pas étrange que l’on puisse consacrer une chanson au plus célèbre et plus terrible tueur en série de l’histoire américaine ? Et plus étrange encore,
plus troublant et déconcertant, que l’auteur et chanteur lui-même se compare à
cet individu ?
John Wayne Gacy junior fut condamné à mort en 1980 et exécuté en 1994 pour
avoir violé et tué au moins 33 garçons et jeunes hommes, dont il avait enterré
27 dans le sous-sol de sa maison.
Sufjan Stevens résume d’abord la vie et les crimes de John Wayne Gacy junior, puis termine en se comparant à lui, et en évoquant les « secrets
qu’il cache sous le plancher ».
Cette chanson et son contexte font l’objet d’une analyse détaillée et passionnante sur le site didactique « Shmoop », qui explique que les
tueurs en série tiennent dans la culture américaine une place aussi essentielle
que la tarte au pommes (« apple pie », effectivement évoquée comme
emblématique dans « American Pie » de Don McLean), citant David Schmid dans son ouvrage « Natural Born Celebrities: Serial Killers in American Culture ».
Sufjan Stevens n’est certainement pas un tueur en série, et l’on ne
trouverait sous le plancher de sa conscience que les petites hontes, les
remords et les lâchetés qui moisissent le revers de l’âme, comme chez chacun d’entre
nous.
Sa chanson n’a cependant pas pour but de choquer ou d’exploiter cette
« fascination morbide », mais d’exprimer un message simple et
courageux : il serait trop facile de rejeter de tels criminels de l’autre
côté d’une barrière virtuelle séparant le juste de l’assassin, comme il serait
erroné de séparer ainsi le fou du sain d’esprit. Les concepts de liberté et de
responsabilité sont des mensonges nécessaires dans une société dont les règles
et les sanctions sont supposées pondérer les multiples choix qui jalonnent la
vie des individus pour les maintenir sur « le droit chemin ». La
multiplicité des causes et la complexité des relations donnent l’apparence d’un
libre choix, et si l’on peut être tenté de s’enorgueillir d’une bonne conduite
et d’une bonne image, il ne s’agit en fait que du résultat d’une somme
algébrique de contraintes, punitions et gratifications. Qu’un grain de sable
vienne, à un moment crucial, entraver le fonctionnement d’un petit rouage, et
la balance peut pencher dans l’autre sens : notre esprit est typiquement
un chaos déterministe, dont l’inné ne constitue qu’un point de départ. Les
événements de la vie (comme les évoque Sufjan Stevens à propos de John Wayne Gacy junior), et les conditions d’environnement, déterminent notre devenir. Dans une
société, la culture représente l’affichage des enjeux, et doit mettre en
exergue les multiples formes de gratification qui doivent, comme un phare,
guider vers un comportement « social ». Lorsqu’une culture est
envahie par l’argent, la violence, l’individualisme et l’égoïsme, lorsque le
fossé se creuse entre ceux qui ont l’argent et le pouvoir et ceux qui n’ont
rien, pas même un travail, la construction-même de l’esprit humain est
compromise (que l’on soit d’un côté ou l’autre du fossé). Et si le bâtiment ne
va pas…
PS : Merci à JMM pour m’avoir fait découvrir ce chanteur hors normes
John Wayne Gacy junior
Le père de John Wayne buvait
Et, au lit, sa mère pleurait
Quand sa tête a heurté
La balançoire, elle pliait
Son linge. Les voisins l’adoraient
Pour son humour, sa conversation
Mais regardez sous sa maison
Vous y verrez dormir, et pourrir, quelques corps
Oh, les morts !
Oui, vingt-sept personnes
Sans doute plus ; des garçons
Voiture et job d’été
Oh, mon Dieu !
Es-tu l’un d’entre eux ?
Faisait le clown pour les enfants
Le visage peint en rouge et blanc
Dans ses bons moments, chez lui
Volets tirés, sur le lit
Les embrassait
Aurait pu en tuer mille
D’une main si habile
Chassait loin, chassait vite pour ses morts
Ôtait les vêtements de leur corps
Sur la bouche, bâillonnée,
Bien tranquillement, les embrassait
Et moi, dans mes bons moments
Je ne suis pas différent
Sous les lames du parquet
Vous trouverez mes secrets
(Traduction – Adaptation : Polyphrène)