Parmi les premières
et plus célèbres chansons de Léonard Cohen, « Sisters of Mercy » a été adaptée et chantée en
français, avec un immense succès, sous le titre de « Les sœurs de la miséricorde » par Graeme Allwright, qui a bien respecté le mystère de la
rencontre évoquée par Léonard Cohen. Le titre reprend, comme un nom commun, la
désignation d’un ordre religieux féminin catholique (largement représenté au Canada), et les
allusions religieuses (péché, sainteté, confession…) parsèment ce texte comme
celui de nombreuses chansons de Léonard Cohen qui, une fois de plus, mêle sensualité
(voir érotisme) et spiritualité. Néanmoins, si certaines images (la rosée…)
peuvent faire penser à une relation sexuelle, la dernière ligne semble la
démentir. Il faut donc se tourner vers l’auteur lui-même et relire ses commentaires pour mettre un nom sur les jeunes femmes à
qui est dédiée cette chanson, et connaître les circonstances de sa
rédaction : C’était à Edmonton, en Alberta (Canada), en 1967. Lorraine et
Barbara, d’abord rencontrées à l’aéroport, puis croisées à nouveau alors
qu’elles s’abritaient sous un porche pendant une tempête de neige, passèrent la
nuit dans la chambre d’hôtel de Léonard qui, durant leur sommeil, eut l’inspiration de cette chanson
(dont il travaillait déjà la mélodie), de sorte qu’il put, à leur réveil, la
leur chanter. Sur ce qui a pu se passer entre temps, les interprétations sont
très diverses (certains pensant que les jeunes femmes de la chanson ne sont pas
des nonnes mais des prostituées) et Léonard lui-même préserve le doute. Il avait alors une trentaine
d’années et décrit ces jeunes femmes comme très séduisantes et agréables… Ce
n’est cependant pas (ou pas seulement) le réconfort physique qu’il retient de
cette rencontre, mais le simple bonheur qu’une présence affectueuse apporte à
celui que la vie malmène ou dont l’âme est souillée par les marécages qu’il
traverse. Que « l’amour du prochain » se manifeste par des pensées,
des mots, ou des gestes, n’est donc pas pour lui ce qui compte le plus. L’essentiel
est ce lien vivace et gracieux qu’établit l’amour entre les êtres, et par
lequel passe la sève de la vie.
ALN
Les Sœurs de la
Pitié
Les sœurs de la
pitié ne sont parties ni décédées
Quand je pensais ne
plus pouvoir avancer, elles m’attendaient
Elles m’ont
réconforté puis m’ont apporté cette chanson
Je te souhaite de
les rencontrer, ton voyage est si long
Oui, toi qui dois
quitter tout ce que tu ne peux contrôler
C’est d’abord ta
famille, puis ton âme que tu sens t’échapper
Je suis passé par
là et je sais comment tu es piégé
Quand tu n’te sens
pas sacré ta solitude dit ton péché
A elles, allongées
près de moi, je me suis confessé
Elles ont touché
mes yeux, moi la rosée à leur ourlet
Si ta vie est une
feuille qu’arrachent et condamnent les saisons
D’amour vert et
gracieux comme une tige, elles t’attacheront
A mon départ, elles
dormaient. J’espère qu’elles seront tes hôtesses
N’allume pas les
phares ; la lune éclairera leur adresse
Et je ne serais pas
jaloux si j’apprends qu’elles adoucissent tes nuits
Nous n’étions pas
amants comme ça et c’est aussi bien ainsi
Nous n’étions pas
amants comme ça et c’est aussi bien ainsi
(Traduction –
Adaptation : Polyphrène)
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