La voix de Leonard Cohen
n’a pas fini de résonner. Après ses mémoires (‘Can’t forget’) et ses
adieux (‘You
want it darker’), il nous offre aujourd’hui des confessions d’outre-tombe à
l’annonce de la prochaine sortie de son album posthume (‘Thanks for the
dance’). Dans ce nouveau texte, dit sur un fond musical très discret, et présenté
le long d’un ‘clip-vidéo’ étrange et fascinant, Leonard résume sa vie par les
déboires et souffrances du cœur. Comme à son habitude, il prend parfois ses distances
à l’égard de lui-même et se décrit, presque comme un étranger, simple sujet d’observation.
Sans chercher à s’exonérer ni a se disculper, il évoque sa (ou ses) faiblesse(s),
ses espoirs, son idéal, mais aussi les vicissitudes auxquelles il n’a pu échapper :
ce n’est pas le destin, ce n’est pas une fatalité, mais les hommes sont ainsi
faits qu’ils ne peuvent échapper à leur nature… et ses conséquences. Ils
peuvent néanmoins rêver, et ne s’en privent pas, mais sont rarement les héros
qu’ils voudraient être car la vie n’est pas une pièce de théâtre que l’on
répète. Chaque échec, chaque faute laisse ses traces et c’est un cœur meurtri (« qui
a su faire souffrir autant qu’il a souffert »)
qui parvient au bout du chemin. Pas de leçon, pas de morale, nous dit-il, juste
le sentiment d’avoir souffert, donc vécu… et d’avoir fait briller une petite
étincelle…
A Hélène
Advient
au Cœur
Je
travaillais correctement
Sans
prétendre faire de l’art
Je
finançais ma dépression
Suivant
Jésus, lisant Marx
C’est
vrai, ma flamme a fait long feu
Mais
elle brille, la p’tite lueur
Va
dire au jeune messie
Ce
qu’il advient au cœur
Je
me suis mis en double file
Dans
la brume des baisers d’été
La
concurrence était rude
Et
les femmes décidaient
Ce
n’était rien, que du commerce
Mais
ça souillait de laideur
Alors,
je suis venu revoir
Ce
qu’il advient au cœur
Je
vendais des babioles sacrées
Je
m’habillais plutôt bien
Avais
une chatte à la cuisine
Et
une panthère au jardin
Dans
la prison des mieux dotés
J’étais
le pote du gardien
Je
n’ai donc pas eu à voir
Ce
qu’il advient au cœur
J’aurais
dû le voir venir
Comme
si je l’avais écrit
Il
suffisait d’ la regarder
Et
les ennuis commençaient
Nous
jouions le couple très bien
Mais
j’avais c’ rôle en horreur
C’est
pas bien beau, c’est pas très fin
Ce
qu’il advient au cœur
Maint’nant,
le violon est à l’ange
Et
l’harmonica au Malin
Chaque
âme est comme un alevin
Et
chaque esprit comme un requin
J’ai
ouvert toutes les fenêtres
Mais
la maison reste obscure
Dis
juste « Pouce » et c’est tout simple
Ce
qu’il advient au cœur
Je
travaillais correctement
Sans
prétendre faire de l’art
Les
esclaves déjà présents
Les
chanteurs enchaînés, brûlés
La
justice a bandé son arc
Les
blessés march’ront tout à l’heure
J’ai
perdu la défense de
Ce
qu’il advient au cœur
J’ai
étudié avec ce gueux
Aussi
crasseux qu’estropié
Par
les griffes de tant de femmes
Qu’il
n’avait pas su dédaigner
Ni
fable, ni morale ici
Ni
chant d’alouette, d’ailleurs
Juste
un pauvre gueux qui bénit
Ce
qu’il advient au cœur
Je
travaillais correctement
Sans
prétendre faire de l’art
Je
n’ pouvais rien porter d’ pesant
Presque
perdu ma licence
Avec
le fusil de mon père
J’étais
assez fort
On
s’battait pour un but suprême
Pas
le droit d’être en désaccord
C’est
vrai, ma flamme a fait long feu
Mais
elle brille, la p’tite lueur
Va
dire au jeune messie
Ce
qu’il advient au cœur
(Traduction - Adaptation : Polyphrène)
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