I was never any good at loving you
I was never any good at coming through for you
You're going to feel much better
When you cut me loose forever
I was never any good Never any good
I was never any good at loving you
[…]
“Portrait Intime”, le film – documentaire d’Armelle Brusq consacré à Léonard Cohen (LC) lors de son long séjour dans un monastère Zen de Mount Baldy – s’ouvre sur LC expliquant que seul l’Amour peut expliquer – justifier – les contraintes consenties de la vie monacale qu’il mène alors (en 1996). En écho, la dernière scène du film montre LC amenant Armelle Brusq vers sa voiture, non pas pour une balade, mais pour lui faire écouter sur une cassette : « Never Any Good », une chanson qu’il avait écrite mais fait chanter par un autre. Cette chanson, mais aussi, ou surtout, la façon dont LC la présente, en disent plus sur lui que tous ses commentaires ou réponses aux questions de la cinéaste. « Never Any Good » est à rapprocher de « Tower Of Song » pour dresser le tableau d’un LC littéralement « condamné » à la chanson, vivant par et pour l’Amour, mais incapable (ou se considérant comme incapable) de vivre une relation amoureuse ou familiale « conventionnelle ». On entrevoit alors la souffrance qui peut en résulter, tant pour lui-même que pour ses proches, et on pense même pouvoir comprendre pourquoi la discipline Zen était utile pour lui permettre de trouver une sérénité apaisée. On ressent aussi à quel point sa souffrance rejaillissait dans certaines de ses chansons, dont il dit lui-même qu’il peut lui être très pénible de les chanter à nouveau. Cependant, tout cela est à peine suggéré, et cette dernière scène du film peut faire l’objet de multiples lectures, diverses voire contradictoires, mais ne s’excluant pas mutuellement. On pourrait, par exemple, interpréter le geste de LC comme une sorte de déclaration d'amour, sur le mode "Je t'aime, et je ne peux pas t'aimer". LC, fidèle à lui-même, offre des images, des mots, des idées, que chacun peut s’approprier. A chacun son Léonard Cohen, en quelque sorte… La complexité, les contradictions, les ambivalences, les mystères et les paradoxes de l’âme humaine forment la matière dans laquelle LC pétrit ses chansons, et cela explique leur universalité.
* Avec un grand merci à Lesperluette pour sa contribution
Jamais été bon
Je n’ai jamais été bon en amour pour toi
Je n’ai jamais été bon à réussir pour toi
Tu iras beaucoup mieux le jour
Où tu m’auras largué pour toujours
Je n’ai jamais été bon
Jamais été bon
Je n’ai jamais été bon en amour pour toi
Je crevais quand on s’est vus
Misant sur toi ma vie
Quand tu m’as appelé, j’ai perdu
Comme tu avais prédit
Tu as mis mon cœur, mon roi, mon jeu (bluff) au défi
C’est bon, tu as gagné, ça suffit
Je n’ai jamais été bon
Jamais été bon
Je n’ai jamais été bon en amour pour toi
J’étais plutôt bon pour sortir les poubelles
Tenir les murs, grimper à l’échelle
Aux feux et catastrophes naturelles
Mais ça ne compte pas
Ça ne compte pas
Ça ne compte pas même pour une bagatelle
Je n’ai jamais été bon en amour pour toi
Je n'étais qu’un touriste dans ton lit, filmant ce qu’il voit
Mais je n’oublie pas où mes lèvres furent
Collines sacrées, ravin obscur
Je n’ai jamais été bon
Jamais été bon
Je n’ai jamais été bon en amour pour toi
J’étais plutôt bon pour sortir les poubelles
Tenir les murs, grimper à l’échelle
Désolé pour mes crimes contre le clair de lune
Je ne pensais pas
Je ne pensais pas
Je ne pensais pas que ça f’rait problème pour elle
Je n’ai jamais été bon en amour pour toi
A faire ce qu’une femme attend vraiment d’un homme comme moi
Tu iras beaucoup mieux le jour
Où tu m’auras largué pour toujours
Je n’ai jamais été bon
Jamais été bon
Je n’ai jamais été bon en amour pour toi
(Traduction - Adaptation : Polyphrène)
Bonjour Polyphrène,
RépondreSupprimerJe n'espérais pas lire cette traduction si vite mais je l'attendais…
L'introduction est magnifique et correspond à ce que j'en ai compris moi même.
Le ton, le langage, le tutoiement restituent bien le rythme vigoureux de la chanson. A cause du filtre de mes propres histoires, je l'entendais encore plus dure, définitive, dépitée, sans la douceur et l'ironie superbe de Tower of Songs. Ta traduction la rend plus ouverte et plus mystérieuse. Je l'ai donc ré-écoutée attentivement et redécouverte.
Je réfléchirai à une solution pour soustraire la parenthèse dans le deuxième couplet.
Lesperluette
Merci, Lesperluette. Ma traduction a en effet un peu atténué la force de cette chanson, car une traduction plus littérale aurait utilisé des mots plus forts et plus formels, du genre "bon à rien". J'espère avoir respecté, cependant, l'idée générale. La dernière scène du documenaire à Mount Baldy me semble particulièrement éloquente, comme si LC offrait ainsi, en amenant cette chanson, un véritable résumé, sinon de sa vie, du moins de son dilemme fondamental.
RépondreSupprimeroui, c'est ça : "bon à rien", ou "vraiment pas doué" ou "jamais assez bien" POUR TOI qui était ma manière inconsciente de traduire ces mots d'un couple exaspéré par les reproches incessants, l'insatisfaction et l'amertume. Je suis incapable de conserver en tête la mélodie ou les paroles de Never any good, c'est toujours There for you qui s'y substitue systématiquement. Quel rapport ?
RépondreSupprimerJ'y entends la même souffrance pour être insuffisant pour l'autre alors même que le maximum semble avoir été consenti. J'imagine qu'il ne s'agit pas, ou en tout cas, pas uniquement, de la relation conjugale mais plutôt de ce que j'appelle transfert faute de mieux. C'est à dire de toute les occurrences où l'amour rayonne avec sincérité mais ne s'adresse pas à l'autre, en réalité. Il serait l'émanation, le souvenir, d'un attachement antérieur. Il peut prendre les apparences du sacré, de la perfection et apporter beaucoup à celui qui l'éprouve mais ne peut pas satisfaire un partenaire. Dans de très nombreuses chansons de Leonard Cohen, Hallelujah ou Tower of Song, je crois retrouver ce cheminement : Une promesse de l'amour impossible à tenir dans le quotidien, un renoncement, une acceptation et l'accès "salvateur" à une forme d'amour pour le public ? pour D-- ? J'imagine que les méditations et les conversations avec Roshi au Mont Baldy ont permis à Leonard Cohen de considérer ces circonstances avec plus de distance. Je n'ai pas fait ce chemin !
lesperluette
En te lisant, je pense au célèbre "Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous" qui déclenchait le délire des salles de spectacle. C'est bien comme cela que je ressens les explications que formule Léonard Cohen dans ses chansons. Cependant, je le perçois plutôt comme présentant ses excuses pour ses défauts, ses faiblesses, et ses incapacités, et plaidant coupable plutôt que manifestant quelque amertume pour avoir été mal compris ou mal jugé. Mais je suis probablement là très subjectif, et il est probable que mes traductions soient teintées de projection de ma propre personnalité (avec un sentiment permanent de culpabilité). Je comprends tout à fait ton interprétation, et j'imagine (ou ai vécu) de telles situations où chacun pense faire de son mieux... tout en guettant de la part de son partenaire l'indice d'une mauvaise foi, d'une fausse interprétation, ou d'un sentiment hostile. L'âpre introspection du cœur (cf. From bitter searching of the heart) est un art très difficile, parfois impossible sans un regard extérieur, neutre et indépendant. Les méditations de Léonard Cohen au Mount Baldy ont pu lui permettre de voir plus clair, ou, tout simplement, d'accepter cette situation et d'être alors en mesure d'éviter de faire souffrir autour de lui. C'est pourtant cette souffrance, qui, autrefois, lui arrachait les mots de ses plus belles chansons... mais c'est un vieux débat que je ne saurais trancher.
RépondreSupprimerAh oui ! Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous" c'est une chanson bouleversante. Je ne trouve pas d'autre mot qu'ambiguité pour qualifier la "polyphonie" de l'amour dont il est question dans cette chanson. Longtemps, j'ai été persuadée que la dédicace était pour son père. Je viens de l'écouter et je ne suis plus sûre de rien !
RépondreSupprimerLesperluette