samedi 7 février 2015

The Butcher

I came upon a butcher,
He was slaughtering a lamb,
I accused him there
With his tortured lamb.
He said, "Listen to me, child,
I am what I am
And you, you are my only son."

Well, I found a silver needle,
I put it into my arm.
It did some good,
Did some harm.
But the nights were cold
And it almost kept me warm,
How come the night is long?

I saw some flowers growing up
Where that lamb fell down;
Was I supposed to praise my Lord,
Make some kind of joyful sound?
He said, "Listen, listen to me now,
I go round and round
And you, you are my only child."

Do not leave me now,
Do not leave me now,
I'm broken down
From a recent fall.
Blood upon my body
And ice upon my soul,
Lead on, my son, it is your world.



Dans sa forme particulière de syncrétisme, Léonard Cohen évoque dans la même chanson le mystère de la rédemption, le sacrifice d’Isaac (un épisode biblique qui paraît avoir pour lui une valeur fondatrice et sur lequel il revient dans « Story of Isaac »)… et les paradis artificiels ! Dieu exigeant d’Abraham le sacrifice de son fils unique avant qu’un ange ne vienne lui ordonner de l’épargner et de lui substituer un agneau, puis Dieu-le-père offrant son fils (unique aussi) en sacrifice pour le salut de l’humanité. La parenté (!) de ces mythes est évidente. L’histoire d’Isaac inaugure manifestement un véritable progrès de civilisation, dès lors que la croyance religieuse n’impose plus de sacrifice humain mais sacralise la vie. Léonard Cohen prolonge très naturellement cette remise en question d’une « tradition » probablement aussi vieille que l’humanité et conteste, dans « Story of Isaac », la guerre pour laquelle les dirigeants envoient au sacrifice ultime les enfants de la nation. Ici, face à l’idée qui émerge de ces mythes, l’idée que la vie a un sens puisqu’elle est sacrée, il oppose la nuit du doute et de l’angoisse, avec le refuge de la drogue qui procure un plaisir éphémère et conduit inexorablement à l’abîme. Pourquoi donc louer Dieu pour avoir créé la nuit si longue et si froide ? C’est alors qu’intervient une bascule dont Léonard Cohen est familier. Les rôles s’inversent ou se confondent : Dieu et l’auteur du sacrifice, le père et le fils, l’humanité et son sauveur… laissant presque entendre que Dieu pourrait mourir si les hommes ne viennent pas à son secours.
Bien sûr, il ne s’agit là que d’une lecture, et cette chanson comme d’autres peut être interprétée de multiples façons. Bien évidemment aussi, on est en droit de ne pas suivre Léonard Cohen sur son chemin spirituel, de nier l’existence d’un Dieu créateur du bien donc du mal, de rejeter les mythes qui dégagent les hommes de leur responsabilité… mais cette synthèse, cette fusion  qu’en propose Léonard Cohen nous ramènent aux fondements même de toute spiritualité : la connaissance de notre mort inéluctable, qui pourrait faire conclure à l’inanité de la vie mais lui donne en fait tout son sens et son importance.
 
A Hélène



Le Boucher

J’ai rencontré un boucher
Qui sacrifiait un agneau
Et je l’ai accusé
De torturer l’agneau
Il dit : « Écoute-moi, petit
Je suis qui je suis
Et toi, tu es mon unique fils »

J’ai trouvé une aiguille d’argent
Elle fit, plantée dans mon bras
Du bien, du mal
A la fois
Mais, les nuits glaciales
Ça me protégeait du froid
Mais que la nuit est longue !

J’ai vu, où l’agneau fut tué
Des fleurs qui poussaient
Devais-je en remercier Dieu ?
Émettre des sons joyeux ?
Il dit « Écoute, écoute-moi bien
Moi, je tourne en rond
Et toi, tu es mon unique fils »

« Ne me laisse pas là
Ne me laisse pas là
Je viens de tomber
J’ai du sang sur le corps
Et du givre sur l’âme
Va, mon fils, ce monde est à toi »


(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

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