samedi 24 octobre 2015

Joan of Arc






La chanson « Jeanne d’Arc », figurant sur le troisième album de Léonard Cohen, « Songs of Love and Hate », a été superbement adaptée et chantée en Français par Graeme Allwright. Ma tentative de traduction ne figure ici que par souci d’exhaustivité, et ne prétend pas rivaliser avec celle de Graeme Allwright dont elle est, tout au plus, complémentaire.
Cette chanson aurait été inspirée à Léonard Cohen par la chanteuse et actrice allemande Nico, à qui il demanda un jour si elle pensait que Jeanne d’Arc aurait pu tomber amoureuse, et qui répondit « Tout le temps, Léonard ». On peut aussi imaginer que la beauté et la froideur de Nico, dont il était épris mais qui repoussait ses avances, aient aussi contribué à la figure de Jeanne d’Arc telle que la décrit ici Léonard Cohen, qui rajoute en outre une allusion à son addiction à l’héroïne.
Cette chanson fait l’objet, comme tant d’autres de Léonard Cohen, d’interprétations diverses et complémentaires. L’auteur lui-même reconnaît que le thème central en est la notion d’union suprême, dont l’amour entre une femme et un homme est l’illustration, mais qui peut aussi se réaliser dans la rencontre d’un être avec sa vocation – ou son « destin ». En ce sens, l’évocation du désir d’union charnelle et de mariage qu’exprime Jeanne d’Arc dans cette chanson peut être considérée comme une métaphore, et la voix qui s’élève dans le feu pourrait être celle de Dieu… ou du Démon.
L’idée du martyre comme forme de suicide est aussi sous-jacente, mais les derniers vers méritent l’attention, car, après avoir retranscrit un dialogue entre Jeanne et le feu, c’est l’auteur lui-même qui s’exprime. D’abord témoin du suicide-martyre de Jeanne d’Arc par le feu, il dit être, comme elle (et comme chacun de nous ?) à la recherche de l’amour et de la lumière (ou la gloire ?), mais se demande s’il faut souffrir à ce point pour les atteindre. La lumière des flammes éclaire alors l’ensemble de la chanson : que ce soit pour trouver et entretenir l’amour, pour réaliser ses rêves, ou atteindre son idéal, il faut accepter de souffrir. La foi de Jeanne d’Arc était telle qu’elle avait sans doute à l’esprit, dans ses derniers instants, la passion du Christ… Et il est frappant de constater que la langue française tire de la même racine latine les différentes acceptions du mot « passion », tantôt souffrance, tantôt mouvement de l’âme !
 
ALN



Jeanne d’Arc

Jeanne d’Arc, les flammes la poursuivaient
Quand, dans le noir, elle chevauchait
Sans lune pour faire luire son armure
Sans homme pour lui faire passer cette nuit obscure.
Elle dit : « Je suis lasse de la guerre.
Je veux un travail comme le mien naguère,
Du blanc ou une robe de mariée
A porter sur mon appétit enflé. »

« Ravie de t’entendre ainsi parler.
Tous les jours je t’observe chevaucher.
Je sens qu’il faut que je conquière
Cette héroïne froide et solitaire. »
« Qui es-tu » dit-elle, fermée,
« Qui te caches dans la fumée ? »
« Je suis le feu, jeune beauté,
Et j’aime ta solitude ; j’aime ta fierté. »

« Alors, refroidis ton corps.
Prends le mien et serre-le très fort »
Dit-elle en grimpant dans les flammes
Pour être sa seule et unique femme.
Il prit, dans son cœur ardent
La poussière de Jeanne et son sang
Et, de la noce, aux invités
Montra les cendres de sa robe de mariée.

Quand il prit dans son cœur ardent
La poussière de Jeanne et son sang,
Elle comprit et dit : « Je vois ;
Si c’est le feu, moi, je dois être bois. »
J’ai vu sa douleur et ses cris
Mais, dans ses yeux, la gloire aussi
Moi qui cherche amour et lumière
Mais si cruel et vif, est-ce nécessaire ?

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)


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