La chanson
« Jeanne d’Arc », figurant sur le troisième album de Léonard
Cohen, « Songs
of Love and Hate », a
été superbement adaptée et chantée en Français par Graeme Allwright.
Ma tentative de traduction ne figure ici que par souci d’exhaustivité, et ne
prétend pas rivaliser avec celle de Graeme Allwright dont elle est, tout au plus,
complémentaire.
Cette chanson
aurait été inspirée à Léonard Cohen par la chanteuse et actrice allemande Nico, à qui il demanda un jour si elle pensait
que Jeanne d’Arc aurait pu tomber amoureuse, et qui répondit « Tout le temps,
Léonard ». On peut
aussi imaginer que la beauté et la froideur de Nico, dont il était épris mais qui repoussait ses avances, aient aussi contribué à la figure de
Jeanne d’Arc telle que la décrit ici Léonard
Cohen, qui rajoute en outre
une allusion à son addiction à l’héroïne.
Cette chanson fait
l’objet, comme tant d’autres de Léonard Cohen, d’interprétations diverses et
complémentaires. L’auteur lui-même reconnaît que le thème central en est la
notion d’union suprême, dont l’amour entre une femme et un homme est l’illustration,
mais qui peut aussi se réaliser dans la rencontre d’un être avec sa vocation –
ou son « destin ». En ce sens, l’évocation du désir d’union charnelle
et de mariage qu’exprime Jeanne d’Arc dans cette chanson peut être considérée
comme une métaphore, et la voix qui s’élève dans le feu pourrait être celle de Dieu… ou du Démon.
L’idée du martyre
comme forme de suicide est aussi sous-jacente, mais les derniers vers méritent
l’attention, car, après avoir retranscrit un dialogue entre Jeanne et le feu,
c’est l’auteur lui-même qui s’exprime. D’abord témoin du suicide-martyre de
Jeanne d’Arc par le feu, il dit être, comme elle (et comme chacun de
nous ?) à la recherche de l’amour et de la lumière (ou la gloire ?),
mais se demande s’il faut souffrir à ce point pour les atteindre. La lumière
des flammes éclaire alors l’ensemble de la chanson : que ce soit pour
trouver et entretenir l’amour, pour réaliser ses rêves, ou atteindre son idéal,
il faut accepter de souffrir. La foi de Jeanne d’Arc était telle qu’elle avait
sans doute à l’esprit, dans ses derniers instants, la passion du Christ… Et il
est frappant de constater que la langue française tire de la même racine latine les différentes acceptions du mot
« passion », tantôt souffrance,
tantôt mouvement de l’âme !
ALN
Jeanne d’Arc
Jeanne d’Arc, les
flammes la poursuivaient
Quand, dans le
noir, elle chevauchait
Sans lune pour
faire luire son armure
Sans homme pour lui
faire passer cette nuit obscure.
Elle dit : « Je
suis lasse de la guerre.
Je veux un travail
comme le mien naguère,
Du blanc ou une
robe de mariée
A porter sur mon
appétit enflé. »
« Ravie de
t’entendre ainsi parler.
Tous les jours je
t’observe chevaucher.
Je sens qu’il faut
que je conquière
Cette héroïne
froide et solitaire. »
« Qui es-tu »
dit-elle, fermée,
« Qui te caches
dans la fumée ? »
« Je suis le feu,
jeune beauté,
Et j’aime ta
solitude ; j’aime ta fierté. »
« Alors, refroidis
ton corps.
Prends le mien et
serre-le très fort »
Dit-elle en
grimpant dans les flammes
Pour être sa seule
et unique femme.
Il prit, dans son
cœur ardent
La poussière de
Jeanne et son sang
Et, de la noce, aux
invités
Montra les cendres
de sa robe de mariée.
Quand il prit dans
son cœur ardent
La poussière de
Jeanne et son sang,
Elle comprit et dit
: « Je vois ;
Si c’est le feu,
moi, je dois être bois. »
J’ai vu sa douleur
et ses cris
Mais, dans ses
yeux, la gloire aussi
Moi qui cherche
amour et lumière
Mais si cruel et
vif, est-ce nécessaire ?
(Traduction –
Adaptation : Polyphrène)
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