samedi 23 février 2013

Ballad of the Absent Mare

Say a prayer for the cowboy
His mare's run away
And he'll walk till he finds her
His darling, his stray
But the river's in flood
And the roads are awash
And the bridges break up
In the panic of loss.

And there's nothing to follow
There's nowhere to go
She's gone like the summer
Gone like the snow
And the crickets are breaking
His heart with their song
As the day caves in
And the night is all wrong

Did he dream, was it she
Who went galloping past
And bent down the fern
Broke open the grass
And printed the mud with
The iron and the gold
That he nailed to her feet
When he was the lord

And although she goes grazing
A minute away
He tracks her all night
He tracks her all day
Oh blind to her presence
Except to compare
His injury here
With her punishment there

Then at home on a branch
In the highest tree
A songbird sings out
So suddenly
Ah the sun is warm
And the soft winds ride
On the willow trees
By the river side

Oh the world is sweet
The world is wide
And she's there where
The light and the darkness divide
And the steam's coming off her
She's huge and she's shy
And she steps on the moon
When she paws at the sky

And she comes to his hand
But she's not really tame
She longs to be lost
He longs for the same
And she'll bolt and she'll plunge
Through the first open pass
To roll and to feed
In the sweet mountain grass


Est-ce bien le même Léonard Cohen qui, dans “The Captain”, évoquait sur le ton de la dérision les chansons de “Western Country”, et qui nous offre ici une ballade sur le thème on ne peut plus classique du cowboy et de son cheval ?
Plus qu’une chanson, c’est un véritable film, dont il décrit avec minutie le décor et les scènes, jusqu’au plan final du cowboy solitaire qui s’éloigne et disparaît…
Si l’ironie est présente, elle ne se déclare que dans les dernières lignes, citant les mots de sa compagne qui se moque gentiment de « ses vieux clichés ».

Mais pourquoi donc cette chanson ? Est-ce un hommage de Léonard Cohen à ce genre et ses auteurs (de la même façon qu’il évoquait avec respect Hank Williams dans « Tower of Song ») ? Est-ce un essai, lui permettant d’apporter au genre son propre style, et de jouer, au delà des clichés, sur la nature et l’ambivalence des liens entre le cavalier et sa monture, pour disserter sur l’amour, la domination, et la liberté ?

La version française chantée par Nana Mouskouri (« La Ballade du Chien-Loup », adaptation de Pierre Delanoë et Claude Lemesle) est, comme cela est souvent le cas avec les adaptations, résolument distincte de l’original, au point de mettre en scène non plus un cowboy et son cheval, mais un chien-loup et sa louve. Néanmoins, cette version française évoque les mêmes « grandes questions » et apporte quelques belles formules :

 On y reconnaitrait presque Jean de La Fontaine (« Le loup et le chien »),


Et pourtant, que ce soit dans la version française ou dans toutes ces chansons confrontant amour et liberté, aussi belles soient elles, il manque « un petit quelque chose », une nuance, un ton, une dimension…

Il suffit de revenir à l’original et relire :
pour comprendre que ce “petit quelque chose”, qui nous emmène au delà de la raison et au delà des sentiments, n'est autre que la subtilité des nuances et la diversité des lectures que permet la vision poétique de Léonard Cohen.



Ballade de la Jument Absente

Dites une prière pour le cowboy
Sa jument a fui
Et il marche à la recherche
De l’errante chérie
Mais la rivière déborde
Sur les routes désertes
Et les ponts sont brisés
Dans l’effroi de la perte

Il n’y a pas de piste à suivre
Nulle part où aller
Disparue comme la neige
Quand vient l’été
Les grillons brisent son cœur
Avec leur chanson
Quand le jour s’en va
La nuit n’a rien de bon

Rêva t’il, n’a t’elle pas
Au galop, sous ses fers
Écrasé l’herbe, et
Plié les fougères,
Imprimant sur la boue
La marque d’or qu’il a
Clouée sous ses sabots
Quand il était roi

Et, alors même qu’elle pâture
Dans les alentours
Il piste de nuit
Il piste de jour
Aveugle à sa présence
Sauf pour comparer
Ici sa blessure
Là, sa peine méritée

De l’arbre le plus haut
Si subitement
Un oiseau perché
Lance son chant
Le soleil réchauffe
La brise légère
Qui caresse les saules
Près de la rivière

Oh, le monde est doux
Le monde est vaste
Et elle se tient
Où l’ombre et la clarté contrastent
De la vapeur aux naseaux
Immense, farouche, elle
Monte sur la lune quand
Elle rue vers le ciel

Et elle vient vers sa main
Mais pas vraiment docile
Elle rêve d’évasion
Ainsi l’espère t’il
Et elle jaillira par
Le premier passage
Libre pour brouter
L’herbe des grands alpages

Fera-t-elle une pause
Sur le haut plateau
Où il n’y a rien plus bas
Et il n’y a rien plus haut
Et voici le temps du faix
Et de la cravache
Traverse-t-elle la flamme ?
Fait-il feu de la hanche ?

A cette jument
Au galop, il s’attache
A ce cavalier
Elle aussi s’attache
Avec droite et gauche
Pour unique espace
Nuit et jour montrant
Seuls que le temps passe

Et, penché sur son cou
Il lui dit tout bas
« Où tu vas, je vais
Avec toi »
Comme un seul, ils tournent
Et ils vont vers la plaine
Nul besoin de fouet
Ah, nul besoin de rênes

Mais qui donc serre les liens
D’une telle union ?
Et qui donc, le soir même
Brusquement les rompt ?
Est-ce la jument ou
Le cavalier
Ou l’amour sans espoir
Comme la fumée ?

Mais ma chérie dit :
« Léonard, laisse tomber
Tous ces vieux clichés
De Westerns surannés »
Je mets donc en musique
Et voilà qu’ils s’en vont
Partent comme la fumée
Partent comme cette chanson

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

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