Le 12 novembre 1965, le navire de croisière« Yarmouth Castle » entreprit la traversée de la Floride vers les
Bahamas avec 552 personnes à bord. Dans la nuit, un incendie se déclara dans
les soutes, et s’enchaînèrent alors les défaillances matérielles sur ce bateau
construit en 1927. La peinture récente dans les escaliers et coursives
s’enflamma si rapidement que l’équipage ne put déclencher les sirènes d’alarme,
ni le radio envoyer de SOS. Les lances d’incendies fonctionnèrent mal ou pas du
tout, plusieurs chaloupes brulèrent, tandis que d’autres ne purent être mises à
la mer car les cordages et mécanismes étaient bloqués. Celles qui purent être
utilisées le furent presque entièrement par des membres d’équipage (et le
capitaine). Un bateau suivant le Yarmouth Castle sur la même ligne, le« Bahama Star » se porta au secours des naufragés, et s’approcha pour
cela si près du navire en feu que ses propres peintures commencèrent à brûler.
Au total, 90 personnes (dont seulement deux membres d’équipage) périrent dans
cet incendie et le naufrage qui suivit. Les survivants et les sauveteurs
témoignèrent de la lâcheté de certains, et de l’héroïsme d’autres. L’enquête
révéla de nombreuses négligences et lacunes et souligna les incohérences d’une
réglementation à laquelle peuvent échapper des bâtiments lorsque, comme le Yarmouth
Castle, ils battent pavillon étranger.
Gordon Lightfoot, ému par cette tragédie, en
fit le récit détaillé dans cette chanson, publiée en 1969, contribuant à perpétuer
le souvenir des victimes.
La Ballade du Yarmouth Castle
Il est quatre heures de l’après-midi
Les ancres ont été levées
De Miami à Nassau
Les vagues, il faut braver
Cap vers le Sud par la baie de Biscayne
En mer loin de tout port
Yarmouth Castle va mourir mais l’ignore encore
Dans toutes ces années sur la mer
Il vit de meilleurs temps
Quand on largue ses amarres
Il pousse un gémissement
Le bruit de ses moteurs fatigués
Et sa coque déglinguée
De rouille disent qu’il est trop vieux pour
naviguer
Mais, dans son cœur, le temps est compté
Une étincelle jaillit
Le feu couve jusqu’au soir
Sur le pont, les gens rient
A présent, les cartes sont sur la table
Bientôt, les boissons circulent
Dans la cale, tout en bas, le feu brûle
Il est minuit ; c’est la pleine mer
Et la pleine lune luit
Certains rejoignent la fête
D’autres disent « Bonne nuit ! »
Nombreux sont ceux qui dorment après
Cette journée chargée
Et no voient pas monter un peu de fumée
« Seigneur » s’écrie-t-il « Je brûle »
« Comprendrez-vous enfin ? »
Mais, au salon, l’orchestre joue
On danse et l’on n’entend rien
Sur le pont, nombreux sont ceux qui dansent
Et semblent bien s’amuser
Puis une voix dit :
« Je perds ; donnez et misez »
Dans les entrailles du Yarmouth Castle
Le feu, dans un grondement
Jaillisant dans les coursives
S’étend rapidement
Et sa peinture, comme un maquillage
Brûle, exposant son âge
C’est un feu d’enfer qui bientôt fait rage
Déjà le feu gagne l’entrepont
Le capitaine se tient
Sur le mat et dit à son second
« Seigneur, c’est la fin ! »
Car, sous la pression, les vieux tuyaux
Ne peuvent tenir
Et, en bas, les passagers
Vont bientôt mourir
Puis le bateau s’embrase en entier
De la poupe à la proue
Les gens fuient dans tous les sens
Mais le feu est partout
Cernés par la fumée noire
Ils trébuchent et s’égarent
Tandis qu’en chaloupe, le capitaine part
Mais alors, le Bahama Star
Arrive à toute vapeur
Et voit le bateau brûler
C’est une vision d’horreur
« Sautez, sautez donc, malheureux.
On vous sauvera si l’on peut »
Mais les cheminées sont gagnées par le feu
« Que Dieu accueille ceux qui, en bas
Sont prisonniers et meurent.
Louons Dieu pour les rescapés
En ce jour de malheur »
Beaucoup se comportent en héros
Mais le temps va leur manquer
Car le navier entier
N’est plus qu’un brasier
Oh, le Yarmouth Castle pleure, et
Comme un enfant, gémit
On l’entend, par dessus le feu
Qui gronde et qui rugit
Pleure-t-il pour ceux qui meurent sous ses
tôles
Qui se tordent et qui fondent
Ou pleure-t-il sur lui-même ? Je me le
demande.
Mais les rescapés, sur le pont
Du Star pourront bientôt
Conter comment leur bateau
Fut englouti par les flots
Comme un petit navire en bois
Le feu brulait encore
Lorsqu’il disparut sous l’eau
Quand vint l’aurore
(Traduction – Adaptation : Polyphrène)
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