mardi 30 juillet 2013

There But For Fortune

Show me a prison; show me a jail
Show me a prisoner whose face has grown pale

And I'll show you a young man
With so many reasons why
There but for fortune, go you or I

Show me the alley; show me the train
Show me a hobo who sleeps out in the rain

And I'll show you a young man
With so many reasons why
There but for fortune, go you or I

Show me the whiskey stains on the floor
Show me a drunkard as he stumbles out the door

And I'll show you a young man
With so many reasons why
There but for fortune, go you or I

Show me a country where the bombs had to fall
Show me the ruins of buildings once so tall

And I'll show you a young land
With so many reasons why
There but for fortune, go you and I
You and I



La beauté de cette chanson de Phil Ochs a été soulignée par la voix pure et chaude de Joan Baez, mais les paroles tout autant que la mélodie méritent l’attention.
Hasard ou providence nous ont fait naître blanc ou noir, vivre ici ou là, être riche ou pauvre, puissant ou misérable. Comment, dès lors, oser s’enorgueillir « d’être né quelque part », se croire vertueux de n’avoir pas été poussé par la misère vers la délinquance, se penser plus fort de n’avoir pas été brisé par la vie ?
Hasard ou providence ?
Attribuer notre situation à la providence, et voir donc en toute chose la volonté divine pourrait conférer un sentiment de légitimité à ceux que la vie a favorisé. Si la terre de nos ancêtres nous appartient, si d’autres paient par leurs vicissitudes présentes les fautes de leur vie antérieure, si leurs misères et leurs deuils sont les épreuves auxquelles Dieu les soumet, chacun est à sa place et les nantis peuvent dormir l’âme en paix, au prix, tout au plus, d’une aumône et de quelques déclarations de compassion.
Mais ce n’est pas si simple !
Tout petits, c’est notre mère qui nous apprenait à lire et nous « faisait le catéchisme », et je me souviens de mon étonnement, teinté d’incrédulité, lorsque ses commentaires et explications nous démontraient que nous étions nés en France (le plus beau et grand pays du monde), parlions la langue française (la plus belle etc.), avec le plus grande et la plus avancée des civilisations (en dépit de ses quelques défauts), la plus évoluée et raffinée des cultures (sans parler de la cuisine), et que, de surcroît, notre religion était la seule et unique à détenir la vérité, révérer le seul Dieu, et ouvrir les seules portes du seul et vrai paradis. Quelle chance ! (moi qui n’ai jamais joué au loto, et jamais gagné, par voie de conséquence).
Car nous comprenions, a contrario, que d’autres êtres humains vivaient leur misère dans de tristes pays barbares, en état de sauvagerie, et dans l’ignorance de La Vérité, malgré les quelques missionnaires que leur envoyait la civilisation, et dont ils faisaient des ragouts. C’était l’époque de « Tintin au Congo » et des photos en noir et blanc. L’époque des certitudes rassurantes et des guerres coloniales, l’époque du rideau de fer qui séparait les bons chrétiens des méchants communistes comme les cowboys et les indiens dans les Westerns ou la police et les bandits dans nos jeux de cours de récré. C’était le milieu d’un siècle qui sortait de l’horreur et s’apprêtait à basculer dans la « modernité » et la décadence.
Ce fut aussi pour moi celle du premier doute, qui fit peu à peu son chemin souterrain pour resurgir des années plus tard, comme la larve des cigales de l’été, qui vient faire entendre ses stridulations.
Il plait à ceux qui pensent avoir réussi dans la vie de proclamer qu’ils se sont construits, comme il plait à la société de juger les personnes en considérant a priori que leurs actes sont la manifestation de leur liberté individuelle. Si une observation globale, purement phénoménologique, du comportement humain peut faire évoquer l’usage de cette liberté, ce n’est que la complexité de l’esprit, de ses mécanismes et des multiples influences qu’il subit qui donne l’impression que ses décisions ne sont pas entièrement prévisibles et relèvent d’un libre arbitre.
Imaginer que nous serions meilleurs que les autres dans leur situation est pure forfanterie. L’Histoire a maintes fois démontré que « des gens normaux » peuvent commettre des atrocités, que d’autres, tout aussi normaux, peuvent se révéler des héros. Les enjeux que place la société à chaque bifurcation du chemin de la vie peuvent orienter notre course, voire structurer notre chaos, mais nous ne sommes pas maîtres des circonstances qui nous conditionnent, et l’humilité est une sage précaution pour affronter la vie.


PS: La version française d'Isabelle Boulay s'écarte suffisamment du texte original pour justifier ma tentative de traduction.


Ce n’est que par chance

Vois cette prison, vois cette geôle
Vois ce prisonnier dont le teint est si pâle
Et je te démontrerai
Que c’est à la chance que l’on doit
Que cet homme ne soit ni toi ni moi

Vois cette ruelle, vois ce wagon
Vois ce clochard passer ses nuits sous un pont
Et je te démontrerai
Que c’est à la chance que l’on doit
Que cet homme ne soit ni toi ni moi

Vois l’ivrogne sortir en titubant
Vois les taches de vin sur ses vêtements
Et je te démontrerai
Que c’est à la chance que l’on doit
Que cet homme ne soit ni toi ni moi

Vois ce beau pays sous les bombardements
Vois réduits en cendres ses fiers bâtiments
Et je te démontrerai
Que c’est à la chance que l’on doit
Que nous n’y vivions, ni toi, ni moi
Toi et moi

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

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