Show me a prisoner whose face has grown pale
And I'll show you a young man
With so many reasons why
There but for fortune, go you or I
Show me the alley; show me the train
Show me a hobo who sleeps out in the rain
And I'll show you a young man
With so many reasons why
There but for fortune, go you or I
Show me the whiskey stains on the floor
Show me a drunkard as he stumbles out the door
And I'll show you a young man
With so many reasons why
There but for fortune, go you or I
Show me a country where the bombs had to fall
Show me the ruins of buildings once so tall
And I'll show you a young land
With so many reasons why
There but for fortune, go you and I
You and I
La beauté de cette
chanson de Phil Ochs a été soulignée par la voix pure et chaude de Joan Baez,
mais les paroles tout autant que la mélodie méritent l’attention.
Hasard ou
providence nous ont fait naître blanc ou noir, vivre ici ou là, être riche ou
pauvre, puissant ou misérable. Comment, dès lors, oser s’enorgueillir
« d’être né quelque part », se croire vertueux de n’avoir pas été
poussé par la misère vers la délinquance, se penser plus fort de n’avoir pas
été brisé par la vie ?
Hasard ou
providence ?
Attribuer
notre situation à la providence, et voir donc en toute chose la volonté divine
pourrait conférer un sentiment de légitimité à ceux que la vie a favorisé. Si
la terre de nos ancêtres nous appartient, si d’autres paient par leurs
vicissitudes présentes les fautes de leur vie antérieure, si leurs misères et leurs
deuils sont les épreuves auxquelles Dieu les soumet, chacun est à sa place et
les nantis peuvent dormir l’âme en paix, au prix, tout au plus, d’une aumône et
de quelques déclarations de compassion.
Mais ce n’est pas
si simple !
Tout petits, c’est
notre mère qui nous apprenait à lire et nous « faisait le
catéchisme », et je me souviens de mon étonnement, teinté d’incrédulité,
lorsque ses commentaires et explications nous démontraient que nous étions nés
en France (le plus beau et grand pays du monde), parlions la langue française
(la plus belle etc.), avec le plus grande et la plus avancée des civilisations
(en dépit de ses quelques défauts), la plus évoluée et raffinée des cultures
(sans parler de la cuisine), et que, de surcroît, notre religion était la seule
et unique à détenir la vérité, révérer le seul Dieu, et ouvrir les seules
portes du seul et vrai paradis. Quelle chance ! (moi qui n’ai jamais joué
au loto, et jamais gagné, par voie de conséquence).
Car nous
comprenions, a contrario, que d’autres êtres humains vivaient leur misère dans
de tristes pays barbares, en état de sauvagerie, et dans l’ignorance de La
Vérité, malgré les quelques missionnaires que leur envoyait la civilisation, et
dont ils faisaient des ragouts. C’était l’époque de « Tintin au
Congo » et des photos en noir et blanc. L’époque des certitudes
rassurantes et des guerres coloniales, l’époque du rideau de fer qui séparait
les bons chrétiens des méchants communistes comme les cowboys et les indiens
dans les Westerns ou la police et les bandits dans nos jeux de cours de récré.
C’était le milieu d’un siècle qui sortait de l’horreur et s’apprêtait à
basculer dans la « modernité » et la décadence.
Ce fut aussi pour
moi celle du premier doute, qui fit peu à peu son chemin souterrain pour
resurgir des années plus tard, comme la larve des cigales de l’été, qui vient
faire entendre ses stridulations.
Il plait à ceux qui
pensent avoir réussi dans la vie de proclamer qu’ils se sont construits, comme
il plait à la société de juger les personnes en considérant a priori que leurs
actes sont la manifestation de leur liberté individuelle. Si une observation
globale, purement phénoménologique, du comportement humain peut faire évoquer
l’usage de cette liberté, ce n’est que la complexité de l’esprit, de ses
mécanismes et des multiples influences qu’il subit qui donne l’impression que
ses décisions ne sont pas entièrement prévisibles et relèvent d’un libre
arbitre.
Imaginer que nous
serions meilleurs que les autres dans leur situation est pure forfanterie. L’Histoire
a maintes fois démontré que « des gens normaux » peuvent commettre
des atrocités, que d’autres, tout aussi normaux, peuvent se révéler des héros.
Les enjeux que place la société à chaque bifurcation du chemin de la vie
peuvent orienter notre course, voire structurer notre chaos, mais nous ne
sommes pas maîtres des circonstances qui nous conditionnent, et l’humilité est
une sage précaution pour affronter la vie.
PS: La version française d'Isabelle Boulay s'écarte suffisamment du texte original pour justifier ma tentative de traduction.
Ce n’est que par
chance
Vois cette prison,
vois cette geôle
Vois ce prisonnier
dont le teint est si pâle
Et je te
démontrerai
Que c’est à la
chance que l’on doit
Que cet homme ne
soit ni toi ni moi
Vois cette ruelle,
vois ce wagon
Vois ce clochard
passer ses nuits sous un pont
Et je te
démontrerai
Que c’est à la
chance que l’on doit
Que cet homme ne
soit ni toi ni moi
Vois l’ivrogne
sortir en titubant
Vois les taches de
vin sur ses vêtements
Et je te
démontrerai
Que c’est à la
chance que l’on doit
Que cet homme ne
soit ni toi ni moi
Vois ce beau pays
sous les bombardements
Vois réduits en
cendres ses fiers bâtiments
Et je te
démontrerai
Que c’est à la
chance que l’on doit
Que nous n’y
vivions, ni toi, ni moi
Toi et moi
(Traduction –
Adaptation : Polyphrène)
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