jeudi 27 août 2015

Jazz Police












Parmi les « fans » de Léonard Cohen, nombreux sont ceux qui se disent déconcertés par cette chanson, la trouvent étrange ou incongrue, et la relèguent en bas de classement, et plus rares ceux qui la considèrent avec intérêt. Qu’elle soit surprenante est un fait, mais ce n’est pas la seule fois que Léonard Cohen s’essaie à un nouveau style et nous surprend par son audace iconoclaste. Ce n’est donc peut être pas de la provocation, mais plutôt une forme d’expérimentation.
Néanmoins, le texte porte beaucoup plus de sens qu’il n’y paraît en première écoute, et  Jason Murray en fait une exégèse magistrale et passionnante. Il mentionne l’origine de cette chanson, lorsque Léonard Cohen enregistrait son album « Recent Songs » avec Roscoe Beck et son groupe « Passenger» qui se laissait parfois aller à des digressions jazziques. Léonard Cohen les rappelait gentiment à l’ordre, et jouait alors le rôle de la « Jazz Police »*, gardienne de l’orthodoxie.
Il est vrai qu’il existe une tendance naturelle et assez répandue à vouloir défendre une idée précise et formelle d’un style, qu’il soit poétique, littéraire, ou musical. Le jazz n’y a pas échappé, et le terme de « Jazz Police » a été utilisé par d’autres dans le même sens, éventuellement avec une référence à cette chanson (« drop your axe »).
Par une pirouette familière, Léonard Cohen inverse ensuite les rôles, au point que l’on ne sait plus trop bien de quel côté de la barrière il se situe. Son choix transparaît cependant dans les pointes d’humour et d’autodérision qui surgissent ici et là. Léonard Cohen, avec son esprit curieux, ouvert à toutes les expériences, est clairement rétif à l’étiquetage et à l’enfermement dans une catégorie. En musique comme dans tous les aspects de la vie, il considère que la standardisation étouffe la création, que les contraintes normatives stérilisent l’expression, et que la liberté est nécessaire au progrès. Il va jusqu’à prendre en comparaison la religion chrétienne, synonyme d’austérité pour certains, de joie pour d’autres.
Au delà du semblant d’hypocrisie et de cynisme que ses termes peuvent suggérer, on peut discerner la conscience de l’ambivalence fondamentale, illustrée ici par l’envie de liberté créatrice et le besoin instinctif de contrôle, l’âge pouvant faire pencher vers ce dernier en se donnant les apparences de la sagesse.
 
ALN


* L’idée  de « Jazz Police » est souvent évoquée par les Jazzmen, et un groupe de musiciens en a fait son nom de scène, avec le même esprit d’autodérision.


Jazz Police

Dites-moi pourquoi sonne le tocsin ?
Depuis des millénaires, tout est pareil
Je suis là depuis mercredi matin
Mercredi matin, crois pas mes oreilles

Jazz Police fouille au fond de mes dossiers
Jazz Police interroge ma nièce
Jazz Police doit obéir sans pitié
Pose ta guitare, c’est la Jazz Police

Jésus, par beaucoup au sérieux est pris
Jésus est pris gaiment par très peu
Jazz Police payée par Jean-Paul Getty
Jazzmen payés par Jean-Paul Getty deux

Jazz Police, ton appel, j’entends
Jazz Police, je suis sans joie
Jazz Police, je sens un penchant
Un penchant pour toi

Fou comme un raciste épris d’ liberté
A ce que fait le chef, j’applaudis
Dis-moi, spacieuse et grande beauté
Ai-je des problèmes avec la Jazz Police ?

Jazz Police fouille au fond de mes dossiers
Jazz Police interroge ma nièce
Jazz Police doit obéir sans pitié
Pose ta guitare, c’est la Jazz Police

Jamais ils ne comprendront notre culture
Jamais ils ne comprendront, la Jazz Police
Jazz Police travaille pour ma mère, c’est sûr
Le sang est beurre plus épais que graisse

Je veux être quelqu’un que j’admire
Je veux être ce balèze dans la rue
Mettez une autre tortue à cuire
Les gars comme moi adorent la tortue

Jazz Police, ton appel, j’entends
Jazz Police, je suis sans joie
Jazz Police, je sens un penchant
Un penchant pour toi

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)



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