dimanche 30 janvier 2011

Boogie Street

O Crown of Light, O Darkened One,
I never thought we'd meet.
You kiss my lips, and then it's done:
I'm back on Boogie Street.

A sip of wine, a cigarette,
And then it's time to go
I tidied up the kitchenette;
I tuned the old banjo.
I'm wanted at the traffic-jam.
They're saving me a seat.
I'm what I am, and what I am,
Is back on Boogie Street.

And O my love, I still recall
The pleasures that we knew;
The rivers and the waterfall,
Wherein I bathed with you.
Bewildered by your beauty there,
I'd kneel to dry your feet.
By such instructions you prepare
A man for Boogie Street.

O Crown of Light, O Darkened One…

So come, my friends, be not afraid.
We are so lightly here.
It is in love that we are made;
In love we disappear.
Though all the maps of blood and flesh
Are posted on the door,
There's no one who has told us yet
What Boogie Street is for.

O Crown of Light, O Darkened One,
I never thought we'd meet.
You kiss my lips, and then it's done:
I'm back on Boogie Street.

A sip of wine, a cigarette,
And then it's time to go…


S’il existait une chanson exprimant la quintessence de Léonard Cohen, ce pourrait être « Boogie Street ». Le titre est l’anglicisation du nom d’une rue de Singapour (rue Bugis) qui fut célèbre pour l’intensité et la diversité de l’animation qui y régnait jour et nuit : commerces en tous genre (notamment trafic de contrefaçons) le jour, sexe et drogue la nuit. Comme dans « A Thousand Kisses Deep », Léonard Cohen considère qu’il y a, en chacun de nous, une « rue Bugis », avec ses illusions, ses compromissions, ses tentations et ses vices, ses tricheries et ses recoins obscurs… A chacun ses « démons », dit-on.
Seul l’amour peut permettre de transcender et, peut-être, donner un sens, aux vicissitudes de notre âme, mais il est toujours difficile et hasardeux de cheminer dans le dédale de nos sentiments. Leur complexité et leurs conséquences évoquent le déterminisme dans le chaos. Le chaos apparent des sentiments n’est que le résultat de leur complexité, de la multiplicité de leurs causes, et de la force de leur interdépendance. Les moindres événements de la vie peuvent ainsi entraîner des cascades de « perturbations », dont les effets, bien que logiques, sont, en pratique, imprévisibles.
L’amour est alors comme un éclair qui, du plus haut des nues, illumine un instant le paysage tourmenté de notre âme pour en faire voir le dessin (ou le dessein ?).


Rue Bugis

Toi, l’auréole, toi, l’obscurcie
Qu’on se voie m’a surpris
Un baiser sur mes lèvres et puis
Revoilà rue Bugis

Un peu de vin, une cigarette
On n’ peut pas s’attarder
J’ai nettoyé la cuisinette
Le banjo accordé
A l’embouteillage, on m’attend
On m’a gardé une place
Je suis ce que je suis, étant
De retour rue Bugis

Oh, mon Amour, j’ai en mémoire
Quels plaisirs nous connûmes
Les chutes et les rivières
Où tous deux nous baignâmes
Stupéfait par ta beauté rare
Soumis à ton service
Par de telles consignes, on prépare
Un homme à rue Bugis

Toi, l’auréole, toi, l’obscurcie…

Venez donc, mes amis, sans peur
Si légers sont nos êtres
Car nous sommes faits d’amour, pour
Disparaître en amour

Bien que les plans de la chair soient
Sur la porte en notice
Nul encore ne nous dit à quoi
Peut servir rue Bugis

Toi, l’auréole, toi, l’obscurcie
Qu’on se voie m’a surpris
Un baiser sur mes lèvres et puis
Revoilà rue Bugis

Un peu de vin, une cigarette
On n’ peut pas s’attarder

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

samedi 29 janvier 2011

Love Itself

The light came through the window,
Straight from the sun above,
And so inside my little room
There plunged the rays of Love.

In streams of light I clearly saw
The dust you seldom see,
Out of which the Nameless makes
A Name for one like me.

I'll try to say a little more:
Love went on and on
Until it reached an open door -
Then Love Itself
Love Itself was gone.

All busy in the sunlight
The flecks did float and dance,
And I was tumbled up with them
In formless circumstance.

I'll try to say a little more:
Love went on and on
Until it reached an open door -
Then Love Itself
Love Itself was gone.

Then I came back from where I'd been.
My room, it looked the same -
But there was nothing left between
The Nameless and the Name.

All busy in the sunlight
The flecks did float and dance,
And I was tumbled up with them
In formless circumstance.

I'll try to say a little more:
Love went on and on
Until it reached an open door -
Then Love itself,
Love Itself was gone.
Love Itself was gone.



Dans une sorte de rêverie, Léonard Cohen nous entraîne dans la danse imprévisible et fascinante de la poussière diffusant la lumière du jour qui filtre à travers les persiennes. La diffusion est un phénomène physique très particulier, assez merveilleux en somme, qui nous laisse voir, dans une véritable incandescence, les particules microscopiques qui flottent dans l’air et que notre acuité visuelle ne nous permettrait pas de discerner si, de par leur très petite taille en comparaison de la longueur d’onde des rayons lumineux, elles n’acquéraient cette étonnante propriété qui leur fait renvoyer la lumière dans toutes les directions. L’invisible nous apparaît alors, comme une idée qui se matérialise, comme un concept qui prend vie. 

Mais le moindre courant d’air, le moindre souffle, le moindre battement d’ailes lancent cette poussière rayonnante dans une danse effrénée, tournant, tourbillonnant, virevoltant sans but apparent ni raison… jusqu’à ce que la course du soleil, au dehors, nous prive de sa lumière et fasse disparaître subitement cette féerie, mettant fin à notre rêverie.
N’est-ce pas ainsi que l’amour entre et sort de notre vie ?
N’est-ce pas ainsi que l’amour illumine la vie ? 
N’est-ce pas ainsi que des événements en apparence insignifiants peuvent en changer le cours ?



L’Amour-Même

Du soleil, par la fenêtre
Vint la lumière du jour
Ainsi, dans ma petite chambre
Plongèrent les rayons d’Amour

J’ai vu, dans les rais de lumière
La poussière impalpable
Celle dont le Sans-Nom peut faire
Un Nom pour mon semblable

J’essaierai d’en dire un peu plus
L’amour est venu
Et puis, quand il a aperçu
Une porte ouverte
L’amour-même s’en fut

De soleil illuminée
Dans sa danse effrénée
La poussière m’a entraîné
En vol désordonné

J’essaierai d’en dire un peu plus
L’amour est venu
Et puis, quand il a aperçu
Une porte ouverte
L’amour même s’en fut

D’où je suis allé, quand je rentre
C’est la même maison
Mais il ne reste plus rien entre
Le Sans-Nom et le Nom

De soleil illuminée
Dans sa danse effrénée
La poussière m’a entraîné
En vol désordonné

J’essaierai d’en dire un peu plus
L’amour est venu
Et puis, quand il a aperçu
Une porte ouverte
L’amour même s’en fut
L’amour même s’en fut

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

dimanche 23 janvier 2011

No, Not Now

Took my gal to the picture show, just the other day
But when I tried to hold her hand; here’s what she hat to say

Chorus:
No, not now – No, not now
No, not now,, but may be next week, somehow

Walked my gal home to the door, and asked her for a kiss
But she quickly turned away, and the she told me this

(Chorus)

I asked my gal to marry me, reckon what she said
She said ‘I wouldn’t marry you, if all the rest were dead”

(Chorus)

But she went and changed her mind; how I regret that day
‘Cause every since I married her, here’s all that she can say
(spoken) ( You guessed it!)

(Chorus)

I stayed out too late last night, on a little spree
And when I asked her to let me in, here’s all she said to me
(spoke) (Her’s what she said)

(Chorus)



Non, il ne s’agit pas ici de la chanson de Pink Floyd, mais d’un rengaine humoristique un peu grinçante (écrite par Hank Williams, Mel Foree, etCurly Williams), sur un thème on ne peut plus classique, qui vaut cependant le détour pour la gouaille et le ton enjoué de l’artiste. Selon les interprètes et les versions, elle est mi-parlée, mi-chantée (certains ne chantent que la fin du refrain : « but may be next week, somehow »).


Pas Maintenant

Avec ma copine, à la galerie d’art, l’autre jour
J’ai voulu lui prendre la main ; elle m’a dit sans détour

Refrain :
« Pas maint’nant, non, mais non,
Pas maint’nant, mais plus tard peut-être, attends »

Puis, sur le pas de la porte, j’ai tenté de l’embrasser
Mais elle a tourné le dos et dit, d’un air pincé
(Refrain)

Je la demandais en mariage, mais elle dit encore :
« Je n’ t’épous’rai pas, même si tous les autres étaient morts »
(Refrain)

Mais elle a changé d’avis. Comme je regrette ce jour !
Car, depuis que l’on s’est mariés, elle répète toujours,
Devinez !
(Refrain)

Je suis sorti trop tard hier soir ; une fête entre amis
Quand je lui ai demandé d’ouvrir, voici ce qu’elle m’a dit
Voici ce qu’elle m’a dit
(Refrain)


(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

samedi 22 janvier 2011

Kisses Sweeter Than Wine

Well, when I was a young man never been kissed
I got to thinkin' it over how much I had missed
So I got me a girl and I kissed her and then, and then
Oh, lordy, well I kissed 'er again

Because she had kisses sweeter than wine
She had, mmm, mmm, kisses sweeter than wine
(Sweeter than wine)

Well I asked her to marry and to be my sweet wife
I told her we'd be so happy for the rest of our life
I begged and I pleaded like a natural man
And then, whoops oh lordy, well she gave me her hand

Because she had kisses sweeter than wine
She had, mmm, mmm, kisses sweeter than wine
(Sweeter than wine)

Well we worked very hard both me and my wife
Workin' hand-in-hand to have a good life
We had corn in the field and wheat in the bin
And then, whoops oh lord, I was the father of twins

Because she had kisses sweeter than wine
She had, mmm, mmm, kisses sweeter than wine
(Sweeter than wine)

Well our children they numbered just about four
And they all had a sweetheart a'knockin' on the door
They all got married and they wouldn't hesitate
I was, whoops oh lord, the grandfather of eight

Because she had kisses sweeter than wine
She had, mmm, mmm, kisses sweeter than wine
(Sweeter than wine)

Well now that I'm old and I'm a'ready to go
I get to thinkin' what happened a long time ago
Had a lot of kids, a lot of trouble and pain
But then, whoops oh lordy, well I'd do it all again

Because she had kisses sweeter than wine
She had, mmm…kisses…sweeter…than…wine


A partir d’une chanson traditionnelle irlandaise (« Drimmin’ Down ») Pete Seeger (pour les paroles) et Lead Belly (pour la musique), alors qu’ils appartenaient au groupe « The Weavers », ont fait cette chanson au rythme vif et enjoué (créditée officiellement aux pseudonymes « Joel Newman » pour les paroles et « Paul Campbell » pour la musique) qui fut un des grand succès de Jimmie Rodgers. Cette chanson fut reprise par plusieurs artistes, dont « Peter, Paul, and Mary » avec de superbes arrangements mais un ton plus sage que la version de Jimmie Rodgers, plus malicieuse.
Ce récit d’une vie rude et heureuse n’est pas dénué d’une certaine nostalgie qu’efface vite la vigueur réjuvénante des souvenirs heureux. 
Je vis cette expérience quotidiennement, lorsque, passant devant le cadre qui affiche les photos de mes enfants, je ne peux m’empêcher de sourire malgré ma souffrance, revivant intensément les instants de bonheur familial, et remontant le temps… avant le décès de leur mère.


Baisers plus Doux que le Vin

En devenant jeune homme, j’ai réalisé
Que je n’avais encore jamais reçu de baiser
J’ai trouvé une fille et je l’ai embrassée, alors, alors
Mon Dieu, l’ai embrassée encore

Car ses baisers étaient plus doux que le vin
Baisers, mmm, mmm, plus doux que le vin
Plus doux que le vin

Voulant l’épouser, je lui déclarais mon amour
Je lui ai promis le bonheur jusqu’au bout de nos jours
J’ai plaidé, j’ai supplié, naturellement, et bien
Et bien, hop, mon Dieu, elle m’a donné sa main

Car ses baisers étaient plus doux que le vin
Baisers, mmm, mmm, plus doux que le vin
Plus doux que le vin

Ma femme autant que moi, nous travaillions fort
La main dans la main, pour un meilleur sort
Le blé vint dans les champs, le pain au fourneau
Et puis, hop, mon Dieu, je fus père de jumeaux

Car ses baisers étaient plus doux que le vin
Baisers, mmm, mmm, plus doux que le vin
Plus doux que le vin

Ainsi, des enfants, nous en avons eu quatre
Avec un grand cœur qui ne demandait qu’à battre
Tous, ils se marièrent, et jamais n’hésitèrent
Alors, hop, mon Dieu, je fus huit fois grand-père

Car ses baisers étaient plus doux que le vin
Baisers, mmm, mmm, plus doux que le vin
Plus doux que le vin

Maintenant que je suis vieux, que la fin m’attend
Je pense à ce qui s’est passé il y a si longtemps
Avec tant d’enfants, tant de soucis et misères
Oui mais, hop, mon Dieu, je suis prêt à le refaire

Car ses baisers étaient plus doux que le vin
Baisers, mmm, mmm, plus doux que le vin
Plus doux que le vin

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)


dimanche 16 janvier 2011

Penny Lane

Penny Lane there is a barber showing photographs
Of every head he's had the pleasure to have known
And all the people that come and go
Stop and say hello

On the corner is a banker with a motorcar
The little children laugh at him behind his back
And the banker never wears a mac
In the pouring rain...
Very strange

Penny Lane is in my ears and in my eyes
There beneath the blue suburban skies
I sit, and meanwhile back

In Penny Lane there is a fireman with an hourglass
And in his pocket is a portrait of the Queen.
He likes to keep his fire engine clean
It's a clean machine

(Trumpet Solo)

Penny Lane is in my ears and in my eyes
Four of fish and finger pies
In summer, meanwhile back

Behind the shelter in the middle of a roundabout
A pretty nurse is selling poppies from a tray
And though she feels as if she's in a play
She is anyway

Penny Lane the barber shaves another customer
We see the banker sitting waiting for a trim
Then the fireman rushes in
From the pouring rain...
Very strange

Penny Lane is in my ears and in my eyes
There beneath the blue suburban skies
I sit, and meanwhile back
Penny Lane is in my ears and in my eyes
There beneath the blue suburban skies...
Penny Lane.


Avec « Penny Lane » (John Lennon, Paul McCartney), les Beatles chantent la nostalgie, décrivant, avec la tonalité surréaliste qu’imprime le filtre du souvenir, les scènes de la vie quotidienne dans ce quartier de Liverpool. Wikipedia nous apprend qu’il a été baptisé ainsi en référence à James Penny, trafiquant d’esclaves au 18ème siècle. Fort heureusement, c’est le souvenir des Beatles, et non de cet ignoble personnage, que viennent honorer les nombreux touristes qui déambulent aujourd’hui dans ces rues de Liverpool.
La mélodie est magnifique, ornée d’un célèbre solo de trompette, et dresse parfaitement le décor de ce retour en arrière un peu mélancolique. Cela n’empêche pas Paul McCartney de glisser dans le texte une allusion à l’argot local (Four of fish and finger pies) évoquant une spécialité « gastronomique » régionale à quatre sous (qui est un peu à Liverpool ce que les moules - frites sont à la Belgique) et une pratique tâtonnante par laquelle les « ados » s’initiaient, du bout des doigts, à la sexualité (littéralement la « tarte aux doigts »).
Il est étrange et amusant de constater comment cette chanson suscite chez ses auditeurs la nostalgie du temps où elle était quotidiennement diffusée sur les ondes, alors qu’elle-même décrit la nostalgie de ses auteurs repensant à leur ville natale. Elle se termine, du reste, sur un dernier « Penny Lane » suivi de points de suspension, comme un écho qui s’atténue mais ne s’éteint jamais.



Penny Lane

(Sur) Penny Lane, le coiffeur a toujours photographié
Toutes les têtes qu’il a eu plaisir à peigner
Et les passants s’arrêtent pour
Un petit bonjour

Le banquier du coin roule en voiture décapotable
Les enfants dans la rue trouvent inénarrable 
Qu’il ne porte pas d’imperméable
Sous la pluie d’orage
Très étrange

Penny Lane est dans mes yeux et mes oreilles
Là, tandis qu’assis sous le soleil
Je repense à jadis

Sur Penny Lane, il y a un pompier avec un sablier
Dans sa poche, un portrait de la reine, bien plié
Lavant son camion pour le nettoyer
C’est un laveur pompier

(Solo de trompette)

Penny Lane est dans mes yeux et mes oreilles
Poissons – frites, mains qui s’essayent
En été, et jadis

Près du carrefour derrière l’abribus une jolie
Infirmière vend des pavots sur un caddie
Bien qu’elle pense jouer la comédie
Elle y réussit

(Sur) Penny Lane, le coiffeur s’occupe d’une autre cliente
Pour une coupe le banquier sagement patiente
Puis le pompier se présente
Sous la pluie battante

Penny Lane est dans mes yeux et mes oreilles
Là, tandis qu’assis sous le soleil
Je repense à jadis
Penny Lane est dans mes yeux et mes oreilles
Là, tandis qu’assis sous le soleil
Je repense à jadis
Penny Lane

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)


samedi 15 janvier 2011

San Francisco Bay Blues

I got the blues from my baby left me
By the San Francisco Bay,
The ocean liner's gone so far away.
Didn't mean to treat her so bad,
She was the best girl I ever have had,
She said goodbye, I can take a cry,
I want to lay down and die.

I ain't got a nickel
And I ain't got a lousy dime.
She don't come back,
Think I'm going to lose my mind.
If she ever gets back to stay,
It's going to be another brand new day,
Walking with my baby
Down by the San Francisco Bay.

Sitting down looking from my back door,
Wondering which way to go,
The woman I'm so crazy about,
She don't love me no more.
Think I'll catch me a freight train,
'Cause I'm feeling blue,
And ride all the way to the end of the line,
Thinking only of you.

Meanwhile, in another city,
Just about to go insane,
Thought I heard my baby, Lord,
The way she used to call my name.
If I ever get her back to stay,
It's going to be another brand new day,
Walking with my baby
Down by the San Francisco Bay,
Walking with my baby
Down by the San Francisco Bay,
Walking with my baby
Down by the San Francisco Bay.



Sans doute la chanson la plus célèbre et la plus souvent reprise de Jesse Fuller. Bien que le thème en soit le « cafard » consécutif à une séparation, c’est un véritable bonheur d’observer, sur les nombreuses vidéos disponibles sur « la Toile », la manifeste jubilation des artistes, musiciens autant que chanteurs, notamment lorsqu’ils jouent avec leurs mirlitons. La mélodie est particulièrement alerte, et les artistes s’en donnent à cœur joie. Regardez, par exemple, Eric Clapton ou Peter, Paul, and Mary, pour ne citer qu’eux. 


Le Blues de la Baie de San Francisco

J’ai le cafard : ma chérie m’a quitté
En baie de San Francisco
Aussi loin que s’en vont les paquebots
Je n’ voulais pas mal la traiter
La meilleure des filles, en vérité
M’a dit adieu, et je sens venir
Mes pleurs ; je voudrais mourir

Plus un sou en poche et
Bien évidemment fauché
Sans elle, je crains
De perdre la tête en chemin
Si elle revenait pour rester
Le soleil se lèverait à nouveau
J’irais à ses côtés
Vers la baie de San Francisco

Assis sur le seuil, le regard troublé
Je ne sais où aller
Car la femme dont je suis vraiment fou
Ne m’aime plus du tout
Je vais, pour fuir mon chagrin
Sauter dans un train
Et rouler aussi loin que mènent les voies
En ne pensant qu’à toi

Dans une ville, loin de chez moi
J’ai cru perdre la raison
En reconnaissant sa voix
Lorsqu’elle m’appelait par mon nom
Si je la ramenais pour rester
Le soleil se lèverait à nouveau
J’irais à ses côtés
Vers la baie de San Francisco
J’irais à ses côtés
Vers la baie de San Francisco
J’irais à ses côtés
Vers la baie de San Francisco

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)



samedi 1 janvier 2011

The Night Comes On

I went down to the place
Where I knew she lay waiting
Under the marble and the snow
I said, Mother I'm frightened
The thunder and the lightning
I'll never come through this alone
She said, I'll be with you
My shawl wrapped around you
My hand on your head when you go
And the night came on
It was very calm
I wanted the night to go on and on
But she said, Go back to the World

We were fighting in Egypt
When they signed this agreement
That nobody else had to die
There was this terrible sound
And my father went down
With a terrible wound in his side
He said, Try to go on
Take my books, take my gun
Remember, my son, how they lied
And the night comes on
It's very calm
I'd like to pretend that my father was wrong
But you don't want to lie, not to the young

We were locked in this kitchen
I took to religion
And I wondered how long she would stay
I needed so much
To have nothing to touch
I've always been greedy that way
But my son and my daughter
Climbed out of the water
Crying, Papa, you promised to play
And they lead me away
To the great surprise
It's Papa, don't peek, Papa, cover your eyes
And they hide, they hide in the World

Now I look for her always
I'm lost in this calling
I'm tied to the threads of some prayer
Saying, When will she summon me
When will she come to me
What must I do to prepare
When she bends to my longing
Like a willow, like a fountain
She stands in the luminous air
And the night comes on
And it's very calm
I lie in her arms, she says, When I'm gone
I'll be yours, yours for a song

Now the crickets are singing
The vesper bells ringing
The cat's curled asleep in his chair
I'll go down to Bill's Bar
I can make it that far
And I'll see if my friends are still there
Yes, and here's to the few
Who forgive what you do
And the fewer who don't even care
And the night comes on
It's very calm
I want to cross over, I want to go home
But she says, Go back, go back to the World




Est-ce un hasard si la nouvelle année commence avec une chanson majeure de Léonard Cohen ?  Il la décrit lui-même comme une sorte de cheminement autobiographique, évoquant les personnes qui ont marqué sa vie, par leur absence autant que par leur présence :
  • Sa mère (décédée quand il avait 34 ans), représentant la protection toujours présente au-delà de la mort, et qui, par son insistance, le maintient en vie.
  • Son père (décédé alors qu’il n’avait que neuf ans), représentant le combat sans répit de la vie.
  • Le mariage et la responsabilité des enfants, y compris lorsqu’ils « volent de leurs propres ailes ».
  • La « muse » qui inspire le poète et le chanteur, et représente l’essence même de la féminité, sous ses différentes formes et avec ses différents visages.
  • L’entourage et les amis, qui forment notre « monde » et nous y retiennent, mais ne peuvent nous faire oublier que ce qui est passé et passé, ce qui est perdu est perdu.

Et le poète, le chanteur, à sa façon, tente de revenir en arrière ou de « passer de l’autre côté », mais l’image maternelle, patiemment, résolument, le renvoie vers « le monde » et, ainsi, continue de le protéger (y compris de lui-même).

Au premier jour d’une nouvelle année, il n’est pas inutile de repenser ainsi à ceux qui nous ont quittés (ou devancés), mais dont la pensée continue de nous protéger et nous guider.


La Nuit Survient

Je suis descendu où
Je savais que, sous la pierre
Et la neige, elle attendait
J’ai dit "Mère, j’ai peur de tout
Des éclairs et du tonnerre
Seul, je n’en sortirai jamais"
Elle dit "Je serai là
Mon châle autour de toi
Ma main sur ta tête te suivra"
Et la nuit survint
Tout était très calme
J’aurais voulu que la nuit soit sans fin
Mais elle dit "Va, retourne au Monde"

En Égypte, nous combattions
Quand ils promirent par traité
Que nul ne serait plus tué
Puis ce fut cette explosion
Et mon père est tombé
Une terrible plaie à son côté
Il dit "Mon fils, vas y
Prends mes livres, mon fusil
Souviens-toi comme ils ont menti"
Et la nuit survient
Tout est très calme
J’aurai bien voulu qu’il ait tort, néanmoins
On ne mentirait pas à un gamin

Dans cette cuisine, nous restions
J’entrais en religion
Ne sachant jusqu’à quand elle rest(e)rait
Tant il me fallait
N’avoir rien à toucher
C’est c’ que j’ai toujours désiré
Mais mon fils et puis ma fille
Sortant de l’eau s’égosillent
"Papa, tu as promis de jouer"
Et ils m’entraînent et disent
"C’est la grande surprise
Ne regarde pas, papa, les yeux fermés"
Et ils se cachent, se cachent dans le Monde

Et je la cherche sans cesse
Pris par cette attirance
Comme à un chapelet de prières
Disant "Quand m’appellera-t-elle ?
Quand me reviendra-t-elle ?
Pour être prêt, que dois-je faire
Quand sur mon vœu elle s’incline
Tout comme un saule, comme une fontaine ?"
Elle se tient dans l’air de lumière
Et la nuit survient
Et tout est très calme
Je suis dans ses bras, elle dit "Quand je s(e)rai,
Partie, je s(e)rai à toi pour chanter"

Pour les vêpres, les grillons
Répondent au carillon
Le chat, sur sa chaise, assoupi
J’irai au bar du coin
Je n’ peux aller plus loin
Voir s’il y a toujours mes amis
C’est au peu de gens qui
Vous pardonnent ou pour qui
Ce que vous faites n’est pas un souci
Et la nuit survient
Tout est très calme
Je veux la rejoindre de l’autre côté
Mais elle dit "Allez, va, retourne au Monde"

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)