vendredi 8 mars 2013

Iodine

I needed you; I knew I was in danger
Of losing what I used to think was mine
You let me love you till I was a failure,
You let me love you till I was a failure
Your beauty on my bruise like iodine

I asked you if a man could be forgiven
And though I failed at love, was this a crime?
You said: “Don't worry, don't worry, darling”
You said: “Don't worry, don't you worry, darling:
There are many ways a man can serve his time”

You covered up that place I could not master
It wasn't dark enough to shut my eyes
So I was with you, O sweet compassion
Yes I was with you, O sweet compassion
Compassion with the sting of iodine

Your saintly kisses reeked of iodine
Your fragrance with a fume of iodine
And pity in the room like iodine

Your sister fingers burned like iodine
And all my wanton lust was iodine
My masquerade of trust was iodine
And everywhere the flare of iodine


Arnica, teinture d’iode, et bicarbonate de soude ont longtemps représenté l’essentiel de la pharmacie familiale, et l’odeur particulière de l’iode reste gravée à jamais dans la mémoire olfactive des plus âgés. L’odorat est en effet non seulement le plus ancien (ou « archaïque ») de nos cinq sens, mais aussi celui qui se trouve le plus étroitement intriqué aux mécanismes intimes de notre comportement, nos affects, nos pulsions, nos attirances comme nos répulsions. Il a donc certainement joué un rôle essentiel dans le développement et la survie de l’espèce humaine, représentant jadis un déterminant essentiel du comportement sexuel.
C’est ce qu’évoque ici, très directement, Léonard Cohen. Bien évidemment, cette chanson comme les autres peut être comprise à différents niveaux, et sous tous les angles de l’allégorie et de la métaphore, mais l’on ne saurait éluder une interprétation simple et directe, faisant un peu écho à une allusion comparable dans « The Traitor » : le sexe dit « fort » est en réalité terriblement fragile, et sujet à défaillance en cas de « désertion de l’état major » (« deserted from above »).
« S’il n’entend le cœur qui bat, le corps non plus ne bronche pas » disait Georges Brassens, mais cela n’est pas une caractéristique strictement féminine. Bien que le flot sanguin saturé d’hormones puisse, un temps, pallier l’absence des sentiments, la faillite finale est inéluctable, et n’est pas vécue seulement comme une “panne” mais comme une déchéance personnelle (« till I was afailure”). Dès lors, les gestes, les paroles, les regards, bien que se voulant rassurants ou encourageants, semblent exprimer frustration ou pitié, jugement ou sanction, et la confiance déserte irrémédiablement. La honte de l’un reflète le trouble de l’autre, le sentiment de ne pas (ou ne plus) inspirer l’amour, la blessure de l’échec et la culpabilité de la trahison. Faute de pouvoir ouvertement et directement s’exprimer, toutes les tentatives que font l’un et l’autre pour franchir le fossé qui se creuse ravivent la souffrance comme la teinture d’iode sur la plaie. Le doute s’insinue comme un poison, et chacun se replie sur lui-même, fuyant toute confrontation. On peut noter, à cet égard, que les quatre derniers vers de cette chanson peuvent être compris indifféremment comme les paroles de l'un ou de l'autre des partenaires.
La « panne » n’est pourtant pas toujours synonyme de trahison, et transposer le nez de Pinocchio dans le périnée n’en fait pas un détecteur de mensonge. L’échec peut avoir diverses causes pathologiques, mineures ou sévères, et cela représente une épreuve que rencontre tout couple, un jour ou l’autre. C’est alors l’occasion de faire le point sur les sentiments et les relations, de découvrir d’autres syllabes et d’autres mots du langage du corps, et d’étendre l’éventail des moyens de communication et des sources de plaisir. A cet égard, il s’agit d’une opportunité de progrès et d’enrichissement de l’amour.
Inversement, un tel incident peut être révélateur, comme dans cette chanson, de l’absence de sentiment profond, démontrant s’il en était besoin que la beauté, en soi, n’implique pas l’amour mais simplement l’attirance. La beauté, et toutes les qualités que peut énumérer la fiche d’un candidat dans une agence de rencontre, ne pourraient suffire à produire l’amour, le cœur ayant ses raisons que la raison ne connaît pas, comme disait Blaise Pascal… Dans un tel cas, en effet, chacun perçoit plus ou moins confusément, comme l’odeur pénétrante de l’iode, le caractère fallacieux de la situation. A quoi bon, dès lors, s’obstiner à jouer un rôle auquel on ne croît pas ? Ne serait-il pas préférable de se dire ce que les corps expriment ?


Teinture d’Iode

J’avais besoin de toi, conscient du danger
De perdre ce que je croyais posséder
Tu m’as laissé t’aimer jusqu’à échouer
Tu m’as laissé t’aimer jusqu’à échouer
Ta beauté sur ma plaie comme teinture d’iode

« Peut-on pardonner un homme ? », ai-je demandé
« Et, en amour, est-ce un crime d’échouer ? »
Tu m’as dit « Ne t’en fais pas, mon chéri »
Tu m’as dit « Ne t’en fais donc pas, mon chéri :
De plusieurs façons la peine peut être purgée »

Tu couvris ce que je ne maîtrisais pas
C’était noir mais pas à fermer les yeux
Je suis donc resté, Oh, douce compassion
Resté avec toi, Oh, douce compassion
Compassion cuisante comme la teinture d’iode

Tes baisers de sainte sentaient la teinture d’iode
Ton parfum empestait la teinture d’iode
La chambre puait la pitié comme l’iode

Tes deux doigts brûlaient comme la teinture d’iode
Ma lubricité n’était que de l’iode
Ma prétendue confiance était en iode
Et partout s’étalait la teinture d’iode

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

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