samedi 20 septembre 2014

Samson in New Orleans











Ce titre de l’album, “Popular Problems”, à paraître ce lundi, mêle, comme Léonard Cohen sait si bien le faire, des références bibliques avec une description amère du monde contemporain. Ce sont ici les faux-semblants, l’hypocrisie, la superficialité que Léonard Cohen souligne en contraste avec la brutalité d’un système qui accentue inexorablement l’écart entre les riches et les pauvres, qui nourrit l’opulence des uns de la misère des autres (« The poor stay poor, the rich get rich »), qui détourne le regard quand la faim ronge les corps et quand le sang coule jusqu’à la mort.
Il ne s’agit pas tant (ou pas seulement) de l’écart entre les pays riches et les pays « en voie de développement » que du contraste, dans nos grandes villes, entre le stras et les paillettes qui s’étalent pour fasciner le badaud et le pousser à consommer, et la pauvreté rampante qui envahit les bas-quartiers. Le titre de cette chanson cite La Nouvelle Orléans, et l’on comprend bien que cette ville bouillonnante de vie qui mettait toute son âme dans sa musique est devenue un site, voire un objet de consommation, tandis que la lumière des néons aveugle le chaland au point de ne plus voir l’ombre et la misère sordide qu’elle enveloppe. Léonard Cohen se met alors dans la peau de Samson qui, captif, retrouva sa force herculéenne lorsque ses cheveux repoussèrent (après la trahison de Dalila), et, écartant les colonnes du temple des Philistins, provoqua son effondrement et leur mort (en même temps que la sienne). Quant à « Tinsel Town » (littéralement « la ville aux guirlandes »), c’est la désignation péjorative de Hollywood, lieu d’étalage du luxe et de la vanité. Il convient sans doute d’interpréter ici cette expression dans un sens générique, comme s’appliquant aux quartiers clinquants et rutilants des villes modernes, et, dans le cas présent, à La Nouvelle Orléans. Je me suis donc permis, contraint par la métrique, un petit néologisme ("Néon-Ville") que vous me pardonnerez.
ALN 


Samson à la Nouvelle Orléans

Tu disais être avec moi
Mon ami, disais-tu
Tu aimais cette ville, n’est-ce pas ?
Ou le prétendais-tu ?

Tu aimais tous ses secrets,
Ses libertés bien cachées
Meilleure que l’Amérique, en effet
C’est ce que tu disais

Mais comment, tu t’étonnais
Cela peut-il se faire ?
Tous les vestiges profanés
Sur le pont de la misère ?

Et nous, qui implorions grâce
Du fond de la fosse abjecte
Notre prière était-elle si basse
Que le Fils la rejette ?

Les tueurs, rameute-les
Que la ville se rassemble
Au pied de ces piliers
Laisse-moi raser ce temple

Il y a du sang sur la couronne
De ce roi bon et noble
Aide-moi à cette colonne
Laisse-moi raser ce temple

Mais comment, tu t’étonnais
Cela peut-il se faire ?
Du ciel, les chaînes sont tombées
Les tempêtes se libèrent

Il y a d’autres façons de faire
Je n’en disconviens pas
Moi, c’est mort et colère
Toi, ne reste pas là

A Néon-Ville, il y a un lit
Pour toi, et une femme, il semble
Je t’écris quand c’est fini
Laisse-moi raser ce temple


(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

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