Léonard Cohen tel qu'en lui-même,
avec cette chanson étrange et mystérieuse, où chacun peut entendre ou
comprendre selon son propre vécu. L'auteur donne quelques repères, mais laisse
l'auditeur libre de cheminer ensuite à son gré.
Parmi les indices, figure le
"Late Late Show", émission
de la télévision irlandaise, présentée en fin de soirée, et battant tous les
records de longévité dans ce domaine. Elle a débuté en 1962, donc après que
"Nancy" soit tombée amoureuse de ceux que Léonard Cohen appelle
"nous" dans la chanson, et que l'on ne peut identifier.
Le pluriel reste indéfini : deux,
trois, ou plus ? Peut-être seulement deux, le second étant celui auquel il
s'adresse dans le dernier couplet ?
Le désespoir de Nancy est par
contre bien palpable, et elle ne gardait probablement pas un "calibre
45" à côté de sa tête pour se défendre.
On peut dès lors imaginer une
fille dépressive, égarée, méprisant son corps au point de le laisser prendre à
tout le monde, et qui, ce soir-là, ruminait des pensées suicidaires... jusqu'à
la visite inopinée de Léonard Cohen et cet (ou ces) autre(s) - peut être
simplement d'autres facettes de sa propre personnalité.
Cette visite l'aurait sauvée,
bien que les visiteurs ne l'aient pas accompagnée dans "la Maison du
Mystère": son lit ? ou les profondeurs les plus noires de son âme ?
Reste la question de son père, en
procès, ou à l'épreuve, dans "la Maison d'Honnêteté". Je n'ai pas pu
traduire fidèlement ce terme, mais j'y devine une nuance d'ironie, que j'ai
tenté de restituer. La situation du père est-elle en rapport avec l'état de la
fille ? On peut tout imaginer, mais il est probable que ce lien de causalité
existe.
Voilà une tentative
d'interprétation, peut-être très éloignée de l'intention de l'auteur. Ce qu'ilen a dit est qu'il s'agit d'une personne ayant existé, une jeune fille qui seserait suicidée avec l'arme de son père, un notable dont la bonne réputationaurait pu être souillée parle fait que sa fille aurait eu un enfant "horsmariage"... Une "fille-mère", comme on disait à l'époque - etl'enfant lui aurait donc été retiré et confié à une institution.
Léonard Cohen suggère qu'elle a
attendu en vain les quelques mots d'empathie et de soutien qui lui aurait permis
de survivre...
Il y a si longtemps, Nancy
Qu’elle est loin cette soirée,
Nancy était bien seule
Elle regardait la télé
Comme dans une pierre d’opale.
Dans la maison judiciaire
Était jugé son père
Dans la Maison du Mystère,
Les lieux étaient déserts
Les lieux étaient déserts.
Qu’elle est loin cette soirée,
Nous n’étions pas bien forts.
Nancy, en bas diaprés,
A chacun offrait son corps
Sans dire qu’elle n’attendait que
nous
Bien que seule, c’est certain
Qu’elle était amoureuse de nous
Depuis soixante-et-un
Depuis soixante-et-un.
Qu’elle est loin cette soirée,
Nancy était bien seule,
Un gros calibre sur l’oreiller,
Son téléphone au sol
Nous lui disions qu’elle était
belle,
Aussi qu’elle était libre,
Mais que nous n’irions pas à elle
Dans la Maison du Mystère
Dans la Maison du Mystère
Où que tu tournes les yeux
Tu la revois encore
Certains peignent ses cheveux
D’autres prennent son corps
Au plus profond de la nuit
Quand le froid t’engourdit
Tu l’entends se dire, ingénue,
Heureuse de ta venue
Heureuse de ta venue.
(Traduction - Adaptation :
Polyphrène)
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