samedi 26 juin 2010

If It Be Your Will

 

http://www.leonardcohensite.com/songs/will.htmPlus une prière qu’une chanson, selon son auteur, ce texte de Léonard Cohen n’exprime pas que la résignation («  Que ta volonté soit faite »)  mais aussi la requête de ceux qui, « du fond de cette vallée de larmes » gardent l’espoir d’une forme de rédemption qui pourrait donner un sens à leur misère présente et un futur à leurs aspirations vers un bonheur dont ils ne peuvent apercevoir que « des lambeaux de lumière ».
Sa traduction m’a laissé en échec, car (probablement à tort) j'ai hésité à traduire « If it be your will » tout simplement par « Si c’est ta volonté », car il me semblait, précisément, que ce texte n’évoquait pas que la résignation, et qu’il comportait, comme toute prière, une supplique.
Mon agnosticisme fondamental a peut-être été un handicap. J’ai souvent, en « m’attaquant » à des textes comme celui-ci (et particulièrement aux textes de Léonard Cohen ») l’impression de n’être pas seulement un traître (" Traduttore, Traditore") . La traduction (a fortiori si elle veut respecter rime et métrique) impose un choix, et peut conduire à rendre explicite ce qui était implicite en l’amputant des sens cachés, des connotations subtiles, des évocations et des suggestions.
Puissent les lecteurs (et l’auteur) me pardonner ce que me pousse à faire la passion… de la chanson.


Si C'est Ta Volonté

Que ta volonté soit
Que je ne parle pas
Que se taise ma voix
Tout comme autrefois
Je me tiendrai coi
Et resterai jusqu’à
Ce qu’on parle pour moi
Que ta volonté soit

Si c'est ta volonté
Qu’une voix soit vraie
De ce mont brisé
Je te chanterai
De ce mont brisé
Tes louanges vont résonner
Si c'est ta volonté
Je te chanterai
De ce mont brisé
Tes louanges vont résonner
Si c'est ta volonté
Je te chanterai

Que ta volonté soit
S’il y a un choix
Que les rives verdoient
Les monts soient en joie
Que ta pitié soit
Sur ces cœurs que l’enfer brûla
Que ta volonté soit
Notre bien en toi

Rapproche-nous de toi
Et nos liens resserre
Tous tes enfants, là
En haillons de lumière
Nos haillons de lumière
Habillés pour tuer
Fais-nous voir clair
Si c'est ta volonté

Si c'est ta volonté



(Traduction - Adaptation : Polyphrène)
Avec la contribution de "Beldom"

dimanche 20 juin 2010

Un an !

Pas de traduction de Polyphrène, aujourd’hui : dans son esprit, inondé par la tristesse, les mots, les idées, les mélodies se bousculent et s’entremêlent, de ces chansons qui racontent son histoire :

You are always on my mindI lost my hard headed womanI am looking for someone with a shoulder to cry onher eyes crying in the rainI knew we’d never meet againI am on this sea of tears  - I miss those arms that held meI still have not learnt how to listen to a sound like the sun going down - And I'd trade all my tomorrows for one single yesterdayI look for her in everyone - Who in the sunshine, who in the night time - When evening falls so hard - Because you were mine, I walk the line - If I could have the time again - Then why do I feel alone? - And that leaving's going to get me down - For you are beautiful, and I have loved you dearly, more dearly than the spoken word can tell - And it’s deeper than sorrow, this darkness she’s left in my heart - For I knew everything I touched would wither and would die, and Love is all that will remain and grow from all these seeds - Memories are made of this - I don't like it but I guess things happen that way - You look so cold tonight, your lips feel like winter, your skin has turned to white - If I never loved I never would have cried - I can’t believe my heart when it implies that you are not there - But if you want, I'll try to love again - Oh, I believe in yesterday - We'll meet again, don't know where, don't know when - Yesterday is dead and gone and tomorrow is out of sight - Something has been broken and it feels permanent - I've been running through these promises to you that I made and I could not keep - And I'll meet you further on up the road - The end of my hopes, the end of all my dreams - All the useless things my hands have done - But I feel so close to everything that we lost - From bitter searching of the heart - After changes upon changes, we are more or less the same

samedi 19 juin 2010

Sympathy

Autre petite chansonnette qui a connu son heure de gloire à la fin des années soixante, « Sympathy » est le titre le plus connu du groupe « Rare Bird ». Les ingrédients sont simples, mais le résultat est une mélodie qui s’est insinuée dans toutes les têtes, que tous ont fredonnée à l’époque, et qu’ils entendent parfois, aujourd’hui, avec un peu de nostalgie à l’évocation des souvenirs du temps où ils croyaient encore que tout était possible.


Sympathie

Quand, pour la nuit,
Tu grimp’ras dans ton lit
Porte fermée,
Et verrouillée,
Pense à ceux qui
Ont froid car sans abri
Car on manque tant d’amour dans le monde

(Refrain)
La sympathie
C’est bien ce qu’il nous faut
La sympathie
C’est c’ qu’il nous faut
La sympathie
C’est bien ce qu’il nous faut
Car on manque tant d’amour dans le monde
Oui, on manque tant d’amour dans le monde

Car les uns ont
La haine de l’autre
Et les uns sont
Pleins comme des outres
Et les uns vont
Laisser crever les autres
Car on manque tant d’amour dans le monde

(Répéter le refrain)


(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

dimanche 13 juin 2010

Dance Me to the End of Love

Dance me to your beauty with a burning violin
Dance me through the panic 'til I'm gathered safely in
Lift me like an olive branch and be my homeward dove
Dance me to the end of love
Dance me to the end of love

Oh let me see your beauty when the witnesses are gone
Let me feel you moving like they do in Babylon
Show me slowly what I only know the limits of
Dance me to the end of love
Dance me to the end of love

Dance me to the wedding now, dance me on and on
Dance me very tenderly and dance me very long
We're both of us beneath our love, we're both of us above
Dance me to the end of love
Dance me to the end of love

Dance me to the children who are asking to be born
Dance me through the curtains that our kisses have outworn
Raise a tent of shelter now, though every thread is torn
Dance me to the end of love

Dance me to your beauty with a burning violin
Dance me through the panic till I'm gathered safely in
Touch me with your naked hand or touch me with your glove
Dance me to the end of love
Dance me to the end of love
Dance me to the end of love




Voici l'une des chansons les plus connues de Léonard Cohen, et parmi les plus caractéristiques, avec une mélodie insistante et des paroles auxquelles chacun peut donner le sens qu'il perçoit, mais sur lesquelles l'auteur s'est lui-même un peu expliqué, en évoquant les prisonniers que l'on forçait à jouer de la musique classique, dans certains camps d'extermination nazis, pendant le massacre de leurs camarades. Léonard Cohen souligne que toute passion, de la plus grande et la plus noble à la plus abjecte, consume son objet.
Graeme Allwright en a rédigé et chanté une très belle adaptation, de sorte que j'ai longtemps laissé de côté cette chanson avant de céder à la tentation de m'essayer à la traduire à mon idée, de façon indépendante.
Merci de bien vouloir pardonner ce qui pourrait paraître présomptueux, mais n'est inspiré, en fait, que par ma propre passion pour cette chanson (en espérant n'avoir pas tout consumé ainsi).


Danse-moi vers la fin de l’amour

Danse-moi vers ta beauté avec un violon brûlant
Danse-moi dans la panique vers un refuge rassurant
Prends-moi pour branche d’olivier, ma colombe du retour
Danse-moi vers la fin d’ l’amour
Danse-moi vers la fin d’ l’amour

Oh, laisse-moi voir ta beauté quand il n’y a plus personne
Et te sentir bouger comme on fait à Babylone
Révèle-moi ce dont je ne connais que les contours
Danse-moi vers la fin d’ l’amour
Danse-moi vers la fin d’ l’amour

Danse-moi jusqu’au mariage, danse-moi constamment
Danse-moi avec ta tendresse, et danse-moi pour longtemps
Nous sommes tous deux sous notre amour, et dessus tour à tour
Danse-moi vers la fin d’ l’amour
Danse-moi vers la fin d’ l’amour

Danse-moi vers les enfants qui demandent à être nés
Danse-moi par les rideaux que nos baisers ont ruinés
Dresse-moi un abri de toile aux fils tous sectionnés
Danse-moi vers la fin d’ l’amour

Danse-moi vers ta beauté avec un violon brûlant
Danse-moi dans la panique vers un refuge rassurant
Touche-moi à main nue ou bien touche moi avec ton gant
Danse-moi vers la fin d’ l’amour
Danse-moi vers la fin d’ l’amour
Danse-moi vers la fin d’ l’amour

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

vendredi 11 juin 2010

Runaway

Cette sympathique chansonnette de Max Crook et Del Shannon, en 1961 a fait l'objet d'une adaptation française par Patrick Loiseau, chantée en 1974 par Dave sous le titre de "Vanina".
Comme c'est très souvent le cas, l'adaptation française s'éloigne assez largement (suffisamment, tout au moins, pour que je m'estime fondé à tenter ma propre traduction) de la version originale, tout en restant sur la même thématique du départ et de la séparation.
La version de Dave est restée très populaire, et réellement remarquable par sa performance vocale, puisqu'il remplace la partie instrumentale par une véritable vocalise, chantant "Vanina" sur les tons les plus aigus. Beaucoup l'ont imité depuis, aucun ne l'a égalé !
J'ose à peine présenter ici ma traduction, car je dois bien reconnaître que les "loin, loin, loin... loin de moi" de Dave ont plus d'allure que mes futiles "fu - fu - fu" ! Néanmoins je reste fidèle à mon principe de traduction aussi littérale que possible, quoi qu'il m'en coûte...


Fugitive

Je ne comprends pas ton absence
Pourquoi notre amour est mort
Qui paraissait si fort
Et, tout en marchant, je repense
A ce qu’on a fait tous deux
Quand nos cœurs n’étaient pas vieux

Tandis que j’erre sous la pluie
Je pleure et la douleur me poursuit
Et j’implore ta présence
Pour que cesse ma souffrance
Mais pourquoi fuit-elle ?
Fuit – fuit – fuit – fuit-elle à la dérive ?
Et où
Où – où – où – où – où se cache-t-elle ?
Sur quelle autre rive ?
Ma petite fugitive
Fu – fu – fu – fu – fugitive.

Tandis que j’erre sous la pluie
Je pleure et la douleur me poursuit
Et j’implore ta présence
Pour que cesse ma souffrance
Mais pourquoi fuit-elle ?
Fuit – fuit – fuit – fuit-elle à la dérive ?
Et où
Où – où – où – où – où se cache-t-elle ?
Sur quelle autre rive ?
Ma petite fugitive
Fu – fu – fu – fu – fugitive.
Fu – fu – fu – fu – fugitive.
Fu – fu – fu – fu – fugitive.
Fu – fu – fu – fu – fugitive.


(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

dimanche 6 juin 2010

Take This Longing

Many men have loved the bells
You fastened to the rein,
And everyone who wanted you
They found what they will always want again.
Your beauty lost to you yourself
Just as it was lost to them.

Oh take this longing from my tongue,
Whatever useless things these hands have done.
Let me see your beauty broken down
Like you would do for one you love.

Your body like a searchlight
My poverty revealed,
I would like to try your charity
Until you cry, "Now you must try my greed."
And everything depends upon
How near you sleep to me

Just take this longing from my tongue
All the lonely things my hands have done.
Let me see your beauty broken down
Like you would do for one your love.

Hungry as an archway
Through which the troops have passed,
I stand in ruins behind you,
With your winter clothes, your broken sandal straps.
I love to see you naked over there
Especially from the back.

Oh take this longing from my tongue,
All the useless things my hands have done,
Untie for me your hired blue gown,
Like you would do for one that you love.

You're faithful to the better man,
I'm afraid that he left.
So let me judge your love affair
In this very room where I have sentenced mine to death.
I'll even wear these old laurel leaves
That he's shaken from his head.

Just take this longing from my tongue,
All the useless things my hands have done,
Let me see your beauty broken down,
Like you would do for one you love.

Like you would do for one you love.





Une supplique à la fois humble et résignée, mais portée par un désir intense, presque une pulsion. Malgré des formules hermétiques, et des métaphores mystérieuses ou surprenantes, Léonard Cohen (LC) exprime sur le ton insistant à l'érotisme à peine voilé la requête d'un ancien amant qui ne prétend plus au bonheur mais ne renonce pas au plaisir et lance même un défi : "laisse moi essayer, tu verras !" (c'est du moins ainsi que je comprends cette chanson, mais seul LC sait !)


Prends ce désir

Tant d’hommes aimèrent les clochettes
Qu’à leur collier tu mets
Ceux à qui tu as tourné la tête
Ont trouvé ce qu’ils voudront à jamais
Ta beauté qui t’a échappé
Comme ils n’ont pu l’agripper

Prends ce désir de ma langue, et
Quelque soit ce qu’en vain ces mains aient fait
Fais-moi voir ta beauté fracassée
Comme pour quelqu’un que tu aimerais

Comme un projecteur, ton corps
Révèle ma pauvreté
Je voudrais tester ta charité
Pour que tu cries « Tente mon avidité »
Et tout dépendra si assez
Proche de moi tu dors

Prends ce désir de ma langue, et
Quelque soit ce qu’en solitude mes mains aient fait
Fais-moi voir ta beauté fracassée
Comme pour quelqu’un que tu aimerais

Comme une arche en famine
Que les troupes ont franchi
Je suis derrière toi en ruines
Avec tes vêtements chauds, tes sandales avachies
J’aime te voir nue, et ton dos me fascine
Quand sa courbe s’infléchit

Prends ce désir de ma langue, et
Quelque soit ce qu’en vain ces mains aient fait
Défais pour moi ta robe bleue louée
Comme pour quelqu’un que tu aimerais

Tu es fidèle au meilleur, et
Il est parti, alors
Ton affaire de cœur, je jugerai
Dans cette chambre où j’ai condamné la mienne à mort
Ces vieux lauriers qu’il a secoués
De son front, je les arbore

Prends juste ce désir de ma langue, et
Quelque soit ce qu’en solitude mes mains aient fait
Fais-moi voir ta beauté fracassée
Comme pour quelqu’un que tu aimerais

Comme pour quelqu’un que tu aimerais

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)


N.B. J'avoue m'être un peu "perdu" dans les rimes de cette chanson, et j'en ai probablement mis où l'auteur n'en avait pas placé ce qui, malheureusement, ne rend pas pour autant meilleure ma traduction laborieuse.

samedi 5 juin 2010

California Dreamin’

Cette chanson de John Phillips et Michelle Gilliam (du groupe éphémère "The Mamas & The Papas"), évoque la nostalgie de la mer et du soleil que l'on peut ressentir en hiver dans une ville continentale. Elle reçut un accueil enthousiaste et fit rapidement le tour de la planète, probablement parce que sa mélodie très enlevée inspire un optimisme fondamental valorisant la nostalgie sous-jacente.
Les reprises furent très nombreuses, mais l'adaptation qu'en fit Pierre Delanoë pour Richard Anthony est un exemple presque caricatural des différences entre version anglaise et version française que j'ai déjà évoquées ici et là dans ce blog.
En effet, "La Terre Promise", chantée par Richard Anthony, n'a strictement plus rien à voir avec le rêve Californien, puisqu'elle évoque l'exode et le retour vers Israël à l'issue de l'holocauste, de sorte que certains la considèrent comme la chanson sioniste par excellence...
Aujourd'hui, la situation dans cette partie de la planète donne plus envie de pleurer que de chanter !

Rêve de Californie
 
Les feuilles sont tombées
Le ciel est couvert
M’allant promener
Par un jour d’hiver
Ce s’rait plus douillet
A L.A.* sur mer

Californie, l’été :
Le rêve d’un jour d’hiver !

Dans une chapelle austère
Dont l’ porche était ouvert
J’ai mis les genoux à terre,
Fait mine d’être en prière.
Le curé aime qu’un froid polaire
Emplisse son sanctuaire

Les feuilles sont tombées
Le ciel est couvert
M’allant promener
Par un jour d’hiver
Si j’avais su me taire,
Je verrais la mer.


(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

* L.A. : Los Angeles, évidemment !

dimanche 30 mai 2010

Story of Isaac

The door it opened slowly,
My father he came in,
I was nine years old.
And he stood so tall above me,
His blue eyes they were shining
And his voice was very cold.
He said, "I've had a vision
And you know I'm strong and holy,
I must do what I've been told."
So he started up the mountain,
I was running, he was walking,
And his axe was made of gold.

Well, the trees they got much smaller,
The lake a lady's mirror,
We stopped to drink some wine.
Then he threw the bottle over.
Broke a minute later
And he put his hand on mine.
Thought I saw an eagle
But it might have been a vulture,
I never could decide.
Then my father built an altar,
He looked once behind his shoulder,
He knew I would not hide.

You who build these altars now
To sacrifice these children,
You must not do it anymore.
A scheme is not a vision
And you never have been tempted
By a demon or a god.
You who stand above them now,
Your hatchets blunt and bloody,
You were not there before,
When I lay upon a mountain
And my father's hand was trembling
With the beauty of the word.

And if you call me brother now,
Forgive me if I inquire,
"Just according to whose plan?"
When it all comes down to dust
I will kill you if I must,
I will help you if I can.
When it all comes down to dust
I will help you if I must,
I will kill you if I can.
And mercy on our uniform,
Man of peace or man of war,
The peacock spreads his fan.




Une œuvre "fondamentale" de Léonard Cohen, évoquant l'un des passages les plus troublants et les plus forts de la bible, lorsque Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils Isaac. Bien que les exégètes en débattent encore, nombreux sont ceux qui considèrent que de tels sacrifices rituels étant courants à cette époque, l'intervention ultime de Dieu pour prévenir (interdire) ce sacrifice signifiait sa volonté de mettre fin, à jamais, à de telles horreurs. C'est, semble-t-il, l'interprétation qui prévaut dans le texte de Léonard Cohen, dont le récit est placé dans la bouche la la victime désignée, avec un réalisme frappant (jusqu'aux tournures de phrase enfantines).
Mais, encore une fois, Léonard Cohen ne s'en tient pas là. Alors que d'autres soulignent cet épisode comme marquant la sortie de l'obscurantisme et de ses rites monstrueux, Léonard Cohen "relativise" tout cela et suggère que les prétendues volontés divines ne sont souvent que le déguisement de dessins humains intéressés, et que les circonstances peuvent faire de nous, tout aussi bien, un héros ou un assassin.
Bien évidemment, cela est simplement suggéré, et, comme toujours, les textes de Léonard Cohen laissent, dans une ombre de mystère, une grande latitude d'interprétation.


L’Histoire d’Isaac

La porte, lentement, s’ouvrit
Mon père entrer, je vis
J’étais si petit
A neuf ans seulement face à lui
Et son regard bleu durcit
Quand d’un ton froid, il dit
« J’ai eu une vision, et si
Tu me connais fort et béni
Je dois faire ce qu’on m’a dit »
Alors, la montagne, il gravit,
Lui marchant, moi courant, et puis
Sa hache d’or il avait pris.

Bientôt disparurent les sapins
L’eau du lac comme un miroir,
Une pause pour boire du vin
La bouteille qu’il jeta au loin
Cassa une minute plus tard
Il mit sa main sur mon poing
Un aigle dans le ciel
Tournait, ou était-ce un vautour ?
Je ne suis sûr de rien
Mon père construisit un autel
Ne se retournant qu’une fois pour
Voir que je ne fuirais point.

Vous et vos autels sanglants
Pour immoler ces enfants,
Ne faites plus cela maintenant
Une vision n’est pas un plan
Et rien ne fut pour vous tentant
Ni de Dieu ni de Satan
Vous qui, sur eux, élevez
Vos hachettes ensanglantées
Aucun de vous n’était
Là quand sur un mont je gisais
Et la main de mon père tremblait
Pour le mot et sa beauté

Et si tu m’appelles « mon frère »
Pardonne-moi si je m’enquiers
Selon quel plan tu opères.
Quand tout retombe en poussière
Je te tuerai si je dois
Je t’aiderai si je peux
Quant tout retombe en poussière
Je t’aiderai si je dois
Je te tuerai si je peux
Et l’uniforme n’importe guère
D’homme de paix ou d’homme de guerre
Le paon fait la roue, fier.



(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

samedi 29 mai 2010

Springtime in Alaska

Mushed from Point Barrow thru a blizzard of snow
Been out prospectin' for two years or so
Pulled into Fairbanks the city was a boom
So I took a little stroll to the Reddog [aloon.

As I walked in the door the music was clear
The purtiest voice I had heard in two years
The song she was singin' made a man's blood run cold
When It's Springtime In Alaska, it's forty below.

(When It's Springtime In Alaska, it's forty below.)

It was Red-headed Lil who was singin' so sweet
I reached down and took the snowpacks off my feet
I reached for the gal who was singin' the tune
We did the Eskimo Hop all around the saloon.

With a Caribou Crawl and the Grizzly Bear Hug
We did our dance on a Kodiak rug
The song she kept singin' made a man's blood run cold
When It's Springtime In Alaska, it's forty below.

I was as innocent as I could be
I didn't know Lil was big Ed's wife to be
He took out his knife and he gave it a throw
When it's Springtime In Alaska, I'll be six feet below.




Cette chanson de Tillman Franks et Johnny Horton, qui figure aussi au répertoire de Johnny Cash, est très "visuelle". La description du chercheur d'or qui rentre, hirsute, après deux ans d'errance dans le grand Nord, est très évocatrice. On imagine aisément l'ambiance du "saloon" et la belle Eskimo à la voix claire et pure, et la danse tout autour de la salle enfumée.
En outre, cette chanson cite deux points remarquables :
Point-Barrow est la ville la plus au Nord de tout les États-Unis, à 515 km au Nord du cercle arctique.
La température de -40° est celle à laquelle les deux échelles (Celsius et Fahrenheit) coïncident (-40°C = -40°F). Ceci dit, la chanson comporte une petite exagération, car la température moyenne en avril est de l’ordre de –22°C (seulement). Néanmoins, avec le « facteur vent », cela reste réaliste.
Les villes d’Alaska comme Fairbanks ont connu une vague d’expansion à la suite de la découverte de gisements d’or, qui ont attiré les prospecteurs et aventuriers comme le héros de la chanson. Aujourd’hui, c’est l’or noir qui constitue la principale richesse.
Il reste encore un « Saloon du Chien-Rouge » (Red-Dog Saloon), non pas à Fairbanks, mais à Juneau, avec un décor parfaitement préservé.


Alaska au Printemps

Rentrant de Point Barrow dans la neige et le vent
Où j’avais prospecté durant près de deux ans
J’arrivais à Fairbanks ; la ville n’était qu’un bouge
Alors je m’aventurais jusqu’au bar du Chien-Rouge

En franchissant le seuil, avec la musique
Une voix si pure qu’elle paraissait magique
Chantait une chanson à vous glacer le sang
« A moins quarante en Alaska, c’est un beau printemps »

(« A moins quarante en Alaska, c’est un beau printemps »)

C’était Lily-la-rousse dont la voix m’accueillait
J’entrais en essuyant la neige sous mes pieds
Je rejoignais celle qui chantait son couplet
Nous fîmes le saut Eskimo dans une danse endiablée

Le pas du caribou, le baiser de l’ours, et
Tandis que sur des peaux de Kodiak*, on dansait
Elle chantait son refrain à vous glacer le sang
« A moins quarante en Alaska, c’est un beau printemps »

Naïf que j’étais, alors que je dansais
J’ignorais qu’ le gros Ed était son fiancé
Il sortit son couteau, le lança vivement
Je serai six pieds sous terre quand viendra le printemps.

(Traduction - Adaptation : Polyphrène) 

* Kodiak : Une espèce d'ours brun d'Alaska, mais aussi la ville de Kodiak, grande île du sud de l'Alaska. Ses tapis en peau de Kodiak sont célèbres. Les singularités ethnologiques des populations amérindiennes "Koniagas" sont tout aussi intéressantes.

lundi 24 mai 2010

Moonlight Serenade

Retour en 1939, lorsque parut cette chanson (et surtout cette mélodie) de Mitchell Parrish et Glenn Miller qui connut un succès considérable et devint la "signature musicale" de Glenn Miller. Les paroles n'ont pas l'originalité de la mélodie, et relèvent d'un romantisme somme toute assez banal. La version orchestrale de Glenn Miller serait sans doute restée seule dans les mémoires si Frank Sinatra ne lui avait prêté sa voix, et amplifié son succès.




Sérénade au Clair de Lune
Au seuil, je me tiens
Et je chante une chanson au clair de lune
J’attends que ta main
Vienne effleurer la mienne dans la nuit brune
Les roses soupirent une sérénade au clair de lune

Ce soir les lueurs
Des étoiles me rendent sentimental
Sais-tu, mon amour
Que tes yeux brillent plus que les étoiles ?
Je t’apporte et chante une sérénade au clair de lune.

Jusqu’au jour
Faisons un tour
Dans les rêves d’amour
L’intimité
D’un ciel d’été
La caresse exquise
D’une douce brise.

J’attends que tu veuilles
Me suivre tendrement dans la nuit brune
J’attends sur ton seuil
Et je chante ma chanson au clair de lune
Une chanson d’amour, sérénade au clair de lune

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

samedi 22 mai 2010

Seems So Long Ago, Nancy








Léonard Cohen tel qu'en lui-même, avec cette chanson étrange et mystérieuse, où chacun peut entendre ou comprendre selon son propre vécu. L'auteur donne quelques repères, mais laisse l'auditeur libre de cheminer ensuite à son gré.
Parmi les indices, figure le "Late Late Show", émission de la télévision irlandaise, présentée en fin de soirée, et battant tous les records de longévité dans ce domaine. Elle a débuté en 1962, donc après que "Nancy" soit tombée amoureuse de ceux que Léonard Cohen appelle "nous" dans la chanson, et que l'on ne peut identifier.
Le pluriel reste indéfini : deux, trois, ou plus ? Peut-être seulement deux, le second étant celui auquel il s'adresse dans le dernier couplet ?

Le désespoir de Nancy est par contre bien palpable, et elle ne gardait probablement pas un "calibre 45" à côté de sa tête pour se défendre.
On peut dès lors imaginer une fille dépressive, égarée, méprisant son corps au point de le laisser prendre à tout le monde, et qui, ce soir-là, ruminait des pensées suicidaires... jusqu'à la visite inopinée de Léonard Cohen et cet (ou ces) autre(s) - peut être simplement d'autres facettes de sa propre personnalité.
 
Cette visite l'aurait sauvée, bien que les visiteurs ne l'aient pas accompagnée dans "la Maison du Mystère": son lit ? ou les profondeurs les plus noires de son âme ?
 
Reste la question de son père, en procès, ou à l'épreuve, dans "la Maison d'Honnêteté". Je n'ai pas pu traduire fidèlement ce terme, mais j'y devine une nuance d'ironie, que j'ai tenté de restituer. La situation du père est-elle en rapport avec l'état de la fille ? On peut tout imaginer, mais il est probable que ce lien de causalité existe.
 
Léonard Cohen suggère qu'elle a attendu en vain les quelques mots d'empathie et de soutien qui lui auraient permis de survivre...
 
Les commentaires très construits et argumentés de PaulM, ci-après, apportent un éclairage remarquable sur Nancy et son histoire.
 

Il y a si longtemps, Nancy

Qu’elle est loin cette soirée,
Nancy était bien seule
Elle regardait la télé
Comme dans une pierre d’opale.
Dans la maison judiciaire
Était jugé son père
Dans la Maison du Mystère,
Les lieux étaient déserts
Les lieux étaient déserts.

Qu’elle est loin cette soirée,
Nous n’étions pas bien forts.
Nancy, en bas diaprés,
A chacun offrait son corps
Sans dire qu’elle n’attendait que nous
Bien que seule, c’est certain
Qu’elle était amoureuse de nous
Depuis soixante-et-un
Depuis soixante-et-un.

Qu’elle est loin cette soirée,
Nancy était bien seule,
Un gros calibre sur l’oreiller,
Son téléphone au sol
Nous lui disions qu’elle était belle,
Aussi qu’elle était libre,
Mais que nous n’irions pas à elle
Dans la Maison du Mystère
Dans la Maison du Mystère

Où que tu tournes les yeux
Tu la revois encore
Certains peignent ses cheveux
D’autres prennent son corps
Au plus profond de la nuit
Quand le froid t’engourdit
Tu l’entends se dire, ingénue,
Heureuse de ta venue
Heureuse de ta venue.

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)