samedi 17 juillet 2010

A Thousand Kisses Deep

The ponies run, the girls are young,
The odds are there to beat.
You win a while, and then it's done -
Your little winning streak.
And summoned now to deal
With your invincible defeat,
You live your life as if it's real,
A Thousand Kisses Deep.

I'm turning tricks, I'm getting fixed,
I'm back on Boogie Street.
You lose your grip, and then you slip
Into the Masterpiece.
And maybe I had miles to drive,
And promises to keep:
You ditch it all to stay alive,
A Thousand Kisses Deep.

And sometimes when the night is slow,
The wretched and the meek,
We gather up our hearts and go,
A Thousand Kisses Deep.

Confined to sex, we pressed against
The limits of the sea:
I saw there were no oceans left
For scavengers like me.
I made it to the forward deck
I blessed our remnant fleet -
And then consented to be wrecked,
A Thousand Kisses Deep.

I'm turning tricks, I'm getting fixed,
I'm back on Boogie Street.
I guess they won't exchange the gifts
That you were meant to keep.
And quiet is the thought of you
The file on you complete,
Except what we forgot to do,
A Thousand Kisses Deep.

And sometimes when the night is slow,
The wretched and the meek,
We gather up our hearts and go ,
A Thousand Kisses Deep.

The ponies run, the girls are young,
The odds are there to beat…


Cette chanson de Léonard Cohen nous confronte à la complexité de notre âme, et au fil ténu mais doré de la liberté, emmêlé entre hasard et destin. A la surface de notre conscience brillent les reflets des astres comme des miroitements sur l’eau qui recouvre un abîme. La métaphore de Bugis Street (orthographiée ‘Boogie’ dans la chanson) développée par Léonard Cohen ici et dans la chanson qui porte ce nom, est celle d’une rue de Singapour, célèbre pour son animation de jour comme de nuit. Tous les commerces y sont présents : les restaurants, les vendeurs de marchandises de toutes sortes, contrebande et contrefaçons le jour, sexe et drogue la nuit. Pour Léonard Cohen, cela représente l’enchevêtrement de passions et vices qui nous mènent, auxquels nous croyons parfois échapper, et qui nous rattrapent inexorablement. Seule une « amère introspection du cœur » peut nous permettre d’en faire l’état des lieux, et d’en prendre acte, non pas par résignation, mais par l’acceptation d’un état de fait, préalable à toute action sincère.



Au Fond de Mille Baisers

Les poneys courent, les filles sont jeunes
Les paris sont ouverts
La chance sourit, puis t’abandonne
Ta veine est éphémère
Tu dois alors gérer
L’insurmontable défaite amère
Tu vis comme si c’était en vrai
Au fond de mille baisers

De ligne en ligne, de passe en passe
Je reviens rue Bugis
Tu lâches prise, et puis tu glisses
Vers l’œuvre qui te dépasse
Peut-être avais-je chemin à suivre
Vœux à réaliser
Tu jettes tout ça pour survivre
Au fond de mille baisers

Et, la nuit, quand le temps est long
Humbles et méprisés
Nous prenons nos cœurs et allons
Au fond de mille baisers

Réduits au sexe, massés autour
Du bord de mer, je vois
Qu’il n’y a plus d’océan pour
Des charognards comme moi
J’ai, sur la proue, du bastingage
Béni les rescapés
Puis consenti à faire naufrage
Au fond de mille baisers

De ligne en ligne, de passe en passe
Je reviens rue Bugis
Tes dons, je ne pense pas qu’ils puissent
Vouloir les échanger
Et je pense à toi, apaisé
Ta fiche est précisée
Sauf ce que l’on a négligé
Au fond de mille baisers

Et, la nuit, quand le temps est long
Humbles et méprisés
Nous prenons nos cœurs et allons
Au fond de mille baisers

Les poneys courent, les filles sont jeunes
Les paris sont ouverts…


(Traduction - Adaptation : Polyphrène)

3 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je trouve cette traduction particulièrement réussie, surtout pour sa "musicalité" et son timbre très fidèles.
    Pourtant, je ne partage pas ton opinion sur le sens de la chanson !
    Au delà de "l'insurmontable défaite amère" — l'impossibilité de concilier les exigences d'une disponibilité absolue au "chef d'œuvre" avec les inévitables conflits intérieurs — la beauté de la chanson, cristallisée par son titre, me murmure que c'est dans un état d'apesanteur, de lâcher prise que tout (l'œuvre, la vie, l'amour) peut se dénouer et se réaliser vraiment.

    Je ne me lasse pas de découvrir ce travail de traduction mais "aucun don ne m'a été donné" pour que je puisse y contribuer.

    Lesperluette

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  2. Aië ! Me voilà pris en flagrant délit de projection : j'avoue donc avoir été très frappé par l'image de Bugis Street employée ici par Léonard Cohen (comme dans la chanson "Boogie Street", et avoir été sans doute influencé par la projection de mes propres sentiments et questionnements en traduisant et adaptant ce texte. Cela montre aussi, une fois de plus, à quel point chacun peut s'approprier les textes de LC et y voir, comme dans un miroir magique, le reflet de ses propres angoisses et passions, superposé à une vision poétique des forces contradictoires qui nous animent. En te lisant, j'entrevois, sous un éclairage un peu particulier, la notion de "détachement" (ou d'apesanteur : j'aime ton choix de mot car il évoque bien la libération d'une attraction "terrestre"). Il ne s'agit pas d'une indifférence aux autres ou d'une absence de sentiment. Il s'agirait plutôt de s'élever au dessus du jeu complexe des passions, des vices, et des désirs pour les observer dans leur contexte et en prendre la mesure, retrouvant ainsi la liberté de penser, d'agir, et de créer, comme d'aimer sans se laisser duper ou mener par des forces que nous ignorons. "Se laisser couler", "lâcher prise", descendre pour une plongée en soi-même et évoluer, de ce fait, en apesanteur. Archimède et la psychologie, en quelque sorte.

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  3. Bonjour,

    merci pour la traduction.

    Connaissez-vous le morceau "the dark half" de Minor majority ? Je trouve qu'il parle un peu des mêmes choses de la vie, avec des mots différents, que "A thousand kisses deep".

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