Voilà la mélodie lancinante que j'ai trouvée ce matin dans ma tête, avec les échos de la voix grave de Paul Robeson, sur cette mélodie de Jerome Kern, et les paroles d'Oscar Hammerstein II. Cette chanson hante ma mémoire depuis ma petite enfance. Elle tournait, de temps à autre, sur le vieux "pick-up" familial, et je n'en ai découvert les paroles et le sens que beaucoup plus tard. Pourquoi resurgit-elle aujourd'hui ? Quelques chansons se glissent nuitamment dans ma tête, tout simplement, parce que je les ai récemment écoutées, ou qu'elles appartiennent à mon répertoire préféré. D'autres font manifestement partie des souvenirs les plus profondément enfouis, et leur évocation soudaine ramène avec elle des bribes de mon enfance. Ce matin, je revois le petit appartement où nous nous entassions, ma mère et les 6 enfants (il y en a eu 5 autres depuis). Je revois ces après-midi de dimanches pluvieux, où elle tentait de nous distraire (et de nous calmer) en repassant les quelques rares disques dont elle disposait. Si les chansons enfantines nous occupaient quelques instants, nous avions une préférence marquée pour ces chansons "de grands", en particulier lorsque, chantées dans une langue étrangère, leur sens nous échappait totalement, et leur mystère envoûtant restait entier. La mélodie sous-tendait alors nos rêves, et nous avions l'impression étrange d'appartenir à un monde plus grand, plus ouvert, moins froid... pour quelques instants.
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